mercredi 24 juillet 2013

Neil Young, Rockhal (Luxembourg), 11/07/2013



20h. Le premier truc vraiment fou, c'est le monde qu'il y a. C'est blindé. Je crois pas avoir déjà vue la Rockhal aussi remplie. Y a surtout des vieux (enfin, des plus vieux que mes potes et moi), pas mal d'Allemands, quelques jeunes, plein de T-shirts trophées (Crosby Still Nash, Neil Young and Crazy Horse, j'ai même vu un Wilco), quelques gothiques ou presque. Passons sur le stand pizza et les bières à trois euros cinquante.

20h55, le concert commence. C'est un show, je comprends mieux le prix : l'infrastructure et le matos déployé sont dignes d'un concert de U2, mais en plus petit : deux écrans géants déguisés en écrans cathodiques de chaque côté de la scène, des faux amplis géants sur scène, des caméras partout avec un monteur qui envoie tout ça sur lesdits écrans, des lights impressionnants, et un petit spectacle sur scène alors que la bande son est A Day in The Life des Beatles. Les techniciens sont grimés en scientifiques, blouses blanches et barbes, et s'affairent à ouvrir les boîtes contenant les faux amplis (les fausses caisses d'ampli sont levées par des poulies en haut de la scène), un micro géant descend du ciel. C'est marrant, puis une fois que c'est fait et A Day in The Life finie, le drapeau luxembourgeois s'affiche au fond, et retentit l'hymne luxembourgeois (que je n'avais jamais entendu) tandis que tout le monde, y compris Neil et le Crazy Horse au complet, se mettent la main sur le coeur au garde-à-vous. C'est très drôle et j'aime beaucoup.

21h et des brouettes, le Crazy Horse attaque avec Love and Only Love, et je suis frappé par la scène qui ressemble tellement à celle du Weld.



Malgré son grand âge, Neil envoie le son à fond, tout comme ses comparses, et ils semblent ridicules au milieu de leurs énormes amplis, mais je trouve ça beau, autant de dévotion au rock et au gros bruit (mais le son est excellent et pas trop fort). Neil parle : "How are you doin ?".

22h, le groupe a fait quatre titres et approximativement 48 solos de guitares, la tristesse est palpable à chaque accord, on s'emmerde un peu, l'introduction joyeuse est oubliée. Le Loner et ses potes enchaînent deux accords plombés et lourds alors que la lumière se fait rare et que les ventilos de la scène projettent de plus en plus de trucs dans l'air. Neil martyrise ses guitares plus toutes jeunes (il n'en aura que trois et semblent très personnelles), joue avec les boutons de son ampli qui est caché derrière les faux et dans la salle on crève de chaud. Je suis content de ce morceau bruitiste au possible pour des types de cet âge, commence à applaudir quand un type assis par terre, un vieux très gros, me dit en luxembourgeois que c'est pas la peine d'applaudir 35 minutes de bruit. Je le regarde, il est en sueur et torse nu, son polo en travers des épaules. Sur scène, l'orage arrive - tout ce bruit singeait un orage - et soudainement, la pluie est projetée partout sur scène. L'effet est saisissant mais au moins un quart de la salle s'est vidée. On enchaîne sur un pur morceau de rock avant de laisser Neil seul à la guitare sèche et à l'harmonica.

Il chante Heart of Gold et tout le monde est content, mais la suivante Blowin in The Wind de Dylan ne m'émeut pas alors que j'adore ce titre. Puis c'est l'heure du piano bar, le Crazy horse revient pour faire les choeurs et la guitare sèche tandis que Neil fait son crooner au piano. Une fille très jeune, genre Suicide girl replète mais charmante, se balade sur scène et traîne son désenchantement avec sa housse de guitare toute blanche. Le morceau est superbe, Neil l'intimiste est arrivé, tout le monde est happé. C'est le meilleur moment du concert.

 

22h20, on recommence comme la première partie mais avec des morceaux plus courts, ça envoie sec, mais personne ne veut chanter "Fuck her" sur le long Fuckin Up. Le groupe s'en fout après trois minutes de tentatives et continue. Il conclut sur Hey Hey My My, ça assure, on en est au 117ème solo de guitare, tout le monde est fatigué. Neil reparle : "Thank you, bye".

23h10, les faux scientifiques reviennent pour refermer les amplis et faire en sorte qu'il y ait un rappel. Ils reviennent, Neil reparle et fout le cafard en disant que nous sommes tous des enfants, des parents, qu'on a des parents, qu'on doit faire attention en rentrant et qu'en gros ON VA TOUS MOURIR. Neil, sois sympa, c'est pas encore le week-end, merde. Deux titres en rappel dont le lumineux Everybody Knows This Is Nowhere que j'adore mais qui manque de patate. Il est 23h30, on a fait deux heures et demi de Neil Young qui a le syndrôme Dogville : bien mais trop long. Surtout que je mettrai 35 minutes pour sortir du parking tellement y a de monde et que personne ne laisse passer personne, c'est le chaos. Rentré très fatigué. Mais content quand même : j'ai vu Neil Young & The Crazy Horse.

Queen, le bilan


Je crois que c'est lors de ma seconde première année de fac que je décidai de me remettre à Queen. A cette époque bénie, j'avais perdu de vue mes amis - qui eux, avaient réussi leurs exams - et je dus ainsi m'en trouver d'autres, au moins pour la journée et les cours. C'était une période de libération, où je n'avais plus l'angoisse de la ville - qui n'est jamais accueillante pour les grands adolescents loin de chez eux - et où je rencontrai des tonnes de gens. Une période où je passais mon temps dans des appartements loués par des connaissances de connaissances, à des soirées auxquelles je n'avais jamais été convié mais où j'étais toujours accepté car j'arrivai avec untel.

Je faisais une nouvelle fois partie des derniers combattants de la soirée. Il devait être neuf heures du matin et j'avais très envie de me rentrer. Mais mon hôtesse ne voulait pas me voir partir. Pas que quoi ce soit se fut passé entre nous, simplement que j'étais le dernier rempart entre elle et le gros lourd qui la harcelait et ne voulait pas quitter la place. Tout ce qu'elle trouva à me dire fût "Mais non reste, je te remets la chanson que tu aimes bien, celle qui fait Mamma mia !". Elle remit le Greatest Hits I de Queen. 

J'avais oublié que cette chanson s'appelait Bohemian Rhapsody et que je l'aimais vraiment. J'avais oublié Queen, mais on avait beaucoup écouté le disque lors de la soirée, on avait bien ri. Comme je suis trop gentil, je restai jusqu'à dix heures du matin, avec un café, la tête près du poste, attendant ma libération.

N'ayant pas un budget conséquent, et ne pouvant pas non plus passer outre l'actualité musicale noisy du moment qui m'excitait bien plus que des disques des années 70, je m'offrai quand même rapidement A Night At The Opera et News Of The World. Je m'étais renseigné, c'étaient les disques à posséder. Je les écoutai beaucoup, mais entre le nouveau Frank Black, les Pavement, les My Bloody Valentine et Maceo Parker, je n'avais pas le temps nécessaire pour me consacrer à une discographie complète. Et puis je savais que je n'avais ni besoin de The Miracle ni de Radio Gaga.

Maintenant que j'ai tout écouté, y compris leurs deux doubles live (celui de 79 et celui de 86 à Wembley), je vois les choses différemment. Surtout car depuis, j'ai écouté encore plus de choses, ai compris bien des problèmes, ai changé. Queen est un grand groupe, qui porte bien haut le flambeau des groupes anglais qui comptent, malgré leur image, la haine qu'ils inspirent aux élites du bon goût, leurs millions de fans, leur prise de position homosexuelle. Je n'ai eu aucunement besoin de visionner des concerts ou de lire des articles (à l'exception d'une chronique sur leur site et de quelques-unes sur allmusic.com) pour comprendre combien ces types ont toujours fait ce qu'ils ont voulu. Que leurs concerts-spectacles ont plus de sens que chez leurs homologues qui étaient devenus trop gros : un concert des Stones ou de Led Zeppelin, ça doit se voir dans une salle de mille personnes.

Ils ont compris que le spectacle faisait partie intégrante de leur musique, que cette dimension ne pouvait pas être occultée. Leur reprocher leur démesure, c'est nier leur musique. Leur reprocher leur humour, alors que c'est une des caractéristiques de Frank Zappa qui plaît tant aux critiques de rock, c'est de la mauvaise foi. Queen n'a rien à envier aux monstres sacrés (Led Zep, The Beatles, The Who, The Rolling Stones), mais ils s'en foutent. Rien que pour ça, je les admire. Pour ça, mais aussi pour leur éclectisme, leurs fautes de goût assumées, leur désir de ne jamais rester sur place tout en étant unis du début jusqu'à la fin, sans scission, sans un ego bouffant l'autre. Et pourtant, entre Freddy Mercury et Brian May, il y avait de quoi remplir des pages de tabloïds. Mais non, ils ont juste continué à faire ce qui leur plaisait, à commencer par rester ensemble.

Je retiendrai quatre disques, dont trois indispensables à mes yeux : Sheer Heart Attack, A Night At The Opera, News Of The World et Jazz. On peut ajouter Innuendo pour sa tension et son témoignage, et beaucoup de titres des années 80 qui sont finalement très bien. Tous leurs albums en comportent au moins un ou deux, au minimum.

Mais ne cherchez pas trop Queen chez Muse. Ils ont inspiré bien plus de monde que cette pâle copie de concerts gigantesques, et ont même été repris par Nine Inch Nails. Trent Reznor, le mètre-étalon de l'Indus, étire les riffs de Get Down Make Love sur des samples de filles jouissant et conclut sur les deux accords de We Will Rock You : je ne vois pas meilleure conclusion pour saluer ce groupe.

Fabriqué au paradis


Après Innuendo, je ne voyais pas l'intérêt de continuer à tenter Queen. Je n'ai pas vu la sortie de ce disque ou m'y suis intéressé, je croyais sans doute que c'était un album solo posthume de Freddy. Bref, je découvre. La bonne nouvelle, c'est que le son est impeccable. Rien ne sonne kitsch ou daté, le travail est conséquent. Par contre on se retrouve en face de beaucoup de ballades, pas la partie que je préfère de Queen. Mais ça marche pour certains titres, l'émotion pointe partout (sauf You don't fool me qui est absolument insupportable). Le problème c'est que ce disque n'est pas cohérent tout en étant uniforme. Impossible de le cerner. Jusqu'à ce que je me rende compte qu'il ressemble un peu à leurs précédentes bandes originales de film, alternant quelques riffs heavy avec des gospels et des ballades plus ou moins réussies. C'est la bande-son du dessin animé Queen, leur vie, leur oeuvre, telle qu'ils ont décidé de l'illustrer. Innuendo reste le véritable dernier album de Queen, revoyant un peu les années 70. Made in heaven est un cd de bonus qui conclut leur période des années 80.





Innuendo



Je me souviens bien de la scène. C'est l'année du bac, j'ai dix-sept ans, je suis chez mon pote, sans doute un samedi après-midi, on glande. On mate la télé, et on tombe sur le clip de Innuendo, la chanson titre. Mon pote lance la conversation.

- Putain Queen... j'ai jamais aimé.
- Moi j'aime bien. Ca me rappelle Bohemian Rhapsody.
- Ouais bon pour un gars qui écoute Genesis ça m'étonne même pas.
- Franchement je trouve que c'est mieux que le dernier truc que j'ai écouté d'eux. Pis le clip est sympa, j'aime bien.
- Ah non j'aime pas.
- Pourquoi ? Tu trouves pas ça cool les marionnettes ?
- Bof. Plus j'y pense, plus je crois que pour les clips, y a pas mieux que le groupe qui joue.
- Ah ah, voilà bien une remarque d'ancien hardos...

J'avais pris de la bouteille, je n'étais pas encore à découvrir les nouveautés rock du moment mais j'avais découvert des tonnes de dinosaures essentiels, j'étais fan des Stooges, des Doors et de Led Zep, Queen n'était qu'un souvenir, y compris The Miracle qui n'avait que deux ans pourtant. Mais à ce moment-là, c'est long, très long, entre quinze et dix-sept. J'avais quand même décidé de l'écouter, et j'avais bien aimé. Mais il ne pouvait absolument pas m'intéresser.

Redécouvert aujourd'hui, il a toujours de nombreux défauts, à commencer par le son, qui est toujours daté, qui a toujours des synthés horribles (cet intro du Show must go on, j'y suis allergique), et un ou deux titres incongrus qui gâchent le tout (surtout Delilah). Par contre, l'âge a sans doute quelque chose à y voir, je comprends surtout que c'est la fin, que les clowns ne rigolent plus, et que la solidarité compte ici avant tout. Avoir accompagné Queen jusque là, c'est saisir la force qui lie ces types, c'est comprendre leur résignation et leur tristesse qu'ils avaient toujours cachée jusque là.

Ma fille a 9 ans et écoute de la daube, mais n'est-ce pas une nécessité à son âge ? Comme il est presque impossible de pleurer en écoutant Show Must Go On ou I'm going slightly mad adolescent, et de frissonner et chialer en écoutant des mêmes titres à 40 ans ? 

Dernier vrai album de Queen, c'est le retour de la pochette dessinée, la fin du groupe star, une sorte de mélange entre leurs compositions des années 70 et leur son des années 80. C'est une réussite mais elle est amère, trop émouvante, trop attendue et inéluctable. Innuendo porte intégralement une intensité propre aux disques faits dans des conditions compliquées, ceux qui laissent transparaître toute les terreurs de leurs auteurs.




Le miracle



Freddie sait qu'il a le SIDA et Brian May est en dépression après son divorce. Malgré la somme faramineuse qu'a dû leur rapporter A Kind Of Magic et la tournée qui s'en suivit, puis la publication du live à Wembley de 86, c'est donc pas la joie pour nos anciens combattants. Ils sont désormais une marque de fabrique, même si leurs Bohemian Rhapsody et We Will Rock You les avait déjà habitués à cet état de fait. Le monde entier connaît et vénère Queen, sauf les critiques rock.

Même moi puisque je subis régulièrement ces albums au club de kayak, par des amis fans, entre deux descentes. A l'époque je suis en pleine transformation, Genesis est entré dans ma vie. Du coup The Miracle ne paraît pas honteux.

Pendant trois morceaux, on retrouve le Queen de Sheer Heart Attack et A Night At The Opera : plein de vocaux et de choeurs, des morceaux enlevés et plutôt lourds, qui intègrent un peu de progressif. Mais avec le son qu'ils ont depuis Hot Space, plein de synthés (y compris pour la rythmique). Ca a vieilli. Au quatrième titre (I Want It All), ils refont un coup à la MTV et pondent encore un tube parfaitement insupportable. Et le reste est de la même veine (pourtant j'aime certaines mélodies et parties de guitare dans Breakthru et le dernier titre (Was It All Worth It) est bien sympa aussi). Mais ce son, c'est pas possible.

Je savais que j'allais être déçu.



Un peu de magie


Définitivement transformé en machine à synthés et tubes, Queen fait un album de chansons de film pour Highlander. Ca marche très bien pour quelques titres, les plus hard (One Vision, Gimme The Prize, Princes of the universe) et le chant de pub Friends Will Be Friends. Pour le reste c'est assez insupportable, mais ça reste presque plus écoutable que The Works. Quant à la pochette, c'est sans doute leur plus moche. La fin d'un groupe, sans doute désabusé, mais qui va remplir encore plus les stades et qui a réussi sa transformation en pleine période heavy listening hard FM.



Les travaux



Après s'être amusés à faire de la musique de film et de la dance, et ne pas avoir réussi à passionner le monde, retour au travail (The Works). Le travail des années 80, le capitalisme grandissant, bref, devenir adulte et performant, faire du tube. Alors Queen ne reviendra pas en arrière, continue à utiliser les synthés, mais pond des tubes et même une chanson politique (Hammer To Fall). Du coup Radio Gaga et I Want To Break Free ne sont pas de mauvais morceaux, mais leur prod est datée et vieillit mal. Voilà pourquoi ces titres sont quasi insupportables alors qu'en fait, ce sont de bonnes chansons. Et puis ce clip de I want to break free, c'est vraiment drôle.

Sauf qu'à part ça, c'est pas très marrant. C'est plutôt cynique (cf. Is This The World We Created ?). Ca me fait un peu penser à U2 (autre groupe massivement populaire qui, il faut le noter, n'a jamais changé de line-up, tout comme Queen) lors de Pop : après Zooropa (pourtant réussi), retour au grand public. Hot Space est le Zooropa de Queen, The Works leur Pop. Pile daté à sa sortie, mais pas vraiment pérenne. C'est moche de vieillir, surtout pour un rocker (cf. la pochette).



Espace chaud



Queen est vraiment un grand groupe. Même lorsqu'il s'agit de suivre un mouvement à la mode foireux, ils le suivent super bien. Débarquement des synthés, y compris pour la rythmique, de la pop pour boîte de nuit qui n'a rien à voir (mais rien) avec ce qu'ils avaient fait jusque là. Heureusement qu'ils ont ajouté Under Pressure à la dernière minute. Ca c'est une chanson qu'elle est bien, et marquante, et tubesque. La voix de Bowie se marie parfaitement à celle de Mercury et je la trouve encore plus émouvante depuis que je sais qu'elle parle de la pression sociale portée sur les homos.

Mais à part ça, rien à sauver. En même temps la pochette ne laissait pas de doute possible.



Flash Gordon



Flash Gordon, pour moi, c'est un film que j'ai adoré, gamin, puis étudiant, quand je me suis rendu compte que c'était nul, kitsch, drôle. Faudrait que je le revoie. Mais je me souviens de mon père me parlant de la musique de Queen en m'emmenant voir ce film, et je confonds peut-être, mais il y avait aussi du Queen dans Bandits Bandits (Time Bandits) de Terry Gilliam que j'avais adoré aussi. Je me souviens être arrivé en retard à la séance pour ce dernier. 

Et puis plus tard, c'est surtout devenu un sample d'un de mes albums favoris, celui du second Public Enemy (It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back, sur Terminator X to the Edge of Panic).

Conçu en même temps que The Game, ils s'amusaient vraiment comme des fous à cette époque. C'est une vraie BO avec deux titres chantés et assez tubesques, voire meilleurs que les titres de The Game, pour le reste, c'est un travail différent et intéressant sur lequel ils se sont penchés. Mais le résultat n'est pas assez ludique pour l'auditeur, les extraits de dialogues sont marrants mais ça ne fait pas une bande-son ou un album. C'est uniquement fait pour le film. Du coup son écoute est assez ennuyeuse voire contraignante. Mais comme d'habitude, je suis épaté par leurs compétences et ouverture d'esprit.



Le jeu



Ca a beau s'appeler The Game, on ne s'amuse pas beaucoup. Fini de rigoler. Pas pour Queen qui s'amusent comme des petits fous et écrivent un magnifique disco minimaliste avec Another One Bites The Dust, refont un revival 50's, et comme d'habitude mélangent un peu tous les genres. Mais à l'image de l'horrible pochette, ça aurait dû rester une blague, un album de reprises d'Elvis, des morceaux pour s'éclater en répète ou en studio, un souvenir perso. Au lieu de ça ils filent ça à la terre entière qui les porte au pinacle, surtout aux Etats-Unis, qui comprend enfin un album de Queen. 

Car c'est simple, voire simplet. La complexité a complètement disparu, et même si c'est très pro et très bien fait, même si il n'y a objectivement pas de mauvais morceau sur ce disque, cela n'a plus grand chose à voir avec du rock. C'est de la variété. C'est un peu comme le dernier album de Police, qui est de très bonne facture mais qui ouvrait la voie à une musique de stade et de radio grand public. Même leur hymne qui clôt l'album (Save Me) n'a pas le panache de leur compositions passées.

Et puis comme pour beaucoup, c'est l'arrivée des synthés. Les années 80 quoi. Kiki le kiki de tous les kikis, Licence IV, Naf-Naf, Billy Ocean, Madonna, le fluo, MTV, Dire Straits, les clips tape à l'oeil, l'informatique graphique balbutiante, Bananarama, le Minitel, Jump, Les maîtres de l'univers, Footlose. Vers un univers coloré manquant cruellement de fond.



Jazz



Bon : c'est l'album fun. D'ailleurs y a un titre qui s'appelle Fun It dessus. Et puis dans Don't stop me now, il dit qu'il s'amuse trop bien, ne l'arrêtez pas maintenant s'il vous plaît. Il paraît que la fête de lancement pour ce disque est mémorable, payée par le groupe (et pas la maison d'édition) avec des nains, des groupes de jazz, des nanas à poil etc... Jazz parce que le groupe est à ce moment complètement libre de faire ce qu'il lui plaît, et il va pas se gêner. 

Il fait du music-hall, blues, chant de muezzin, pop, hard et même encore un peu de prog (à deux reprises : dans l'expérimental mais tubesque Bicycle Race, comme quoi pas besoin de suivre un format classique pour péter les charts, avec des bruits de sonnette au milieu, et dans le dernier titre, qui reprend des passages des morceaux précédents : tout ça, on l'avait entendu chez Genesis). Et avec humour. Définitivement consacré, composant un nouvel hymne (Don't stop me now) mais cette fois, non martial : un hymne à la joie, un concentré de bonheur. Je pense qu'il est inconcevable de ne pas aimer ce titre. Enfin je vois pas comment on ne peut pas aimer. Je ne connaissais pas Mustapha et les autres, notamment le bluesy Dreamer's ball. Mais je ne m'en passerai plus, Jazz est le troisième (et peut-être dernier) album nécessaire de Queen.


Un jour aux courses


Encore un titre piqué à un film des Marx Brothers, une pochette qui rappelle la précédente mais noire au lieu de blanche, tout fait penser au premier abord à une continuité ou une complémentarité. Il s'agit du deuxième cas, tant on est loin de A Night At The Opera. Ici, tous les titres ont une durée proche (entre 3'30 et 5'), et semblent être des faces B, même si Tie Your Mother Down est un rock hyper efficace et Somebody to love une ballade grandiloquente (j'ai l'impression d'y entendre David Lee Roth reprendre Just a gigolo). Ils font preuve d'un savoir-faire évident, proposant des tubes calibrés, mais aucun humour à l'horizon ni même aucun risque musical (à part celui de changer complètement d'orientation pour quelque chose de facile à écouter). C'est sympa mais je me suis emmerdé. Ce sont des chutes de studio ou quoi ?



Une nuit à l'opéra


Même si je ne les ai pas encore tous écoutés, c'est le moment Highlander : There can be only one. Ce disque est parfait, et semble être le meilleur Queen. Y a toujours tout ce qu'ils aiment avec le hard (Death on two legs), le glam (Sweet Lady), le prog (The Prophet Song) et des styles musicaux du passé que je serai bien en peine de nommer (d'ailleurs je suis preneur de ces infos si quelqu'un connaît dans quels genres évoluent Lazy on a sunday afternoon, 39, Seaside Rendezvous et Good company). Styles qui font faire de l'acoustique à Queen, et ça sonne très bien. Enfin, des idées partout, mais une dans chaque titre, finissant de définir un Queen protéiforme et qui réussit enfin à tout intégrer dans un titre indémodable, une de mes chansons préférées de tous les temps : Bohemian Rhapsody. Je me demande si le groupe allait bien à ce moment là : pourquoi God Save The Queen en fin d'album ? Pour dire que les meilleurs groupes sont Anglais ou prévoir leur fin possible ?



Pure crise cardiaque



Ah ben voilà le premier album de Queen. Je me suis planté, il y a ce Sheer Heart Attack entre le II et A Night At The Opera. Sorti la même année que le II, comme quoi on ne peut pas leur reprocher d'être plein d'hormones heu d'idées. On retrouve tout ce qu'il y avait avant (glam, prog, hard) mais étonnamment cohérent, discipliné, et avec au moins un tube, en total décalage avec les modes de l'époque : Killer Queen. D'ailleurs c'est quoi comme genre de musique, ce titre ? De l'opéra-bouffe ? Du ragtime blanc ? Ils ont compris qu'un titre par genre, c'était plus efficace, la première face n'a aucune faille, y compris les voix de Mercury qui semblent enfin organisées. Bon après faut aimer. 

La seconde face semble vouloir refaire celle de Abbey Road, avec des titres courts qui se suivent rapidement et n'est pas totalement réussie, à part le dernier morceau : premier titre où Freddie fait le crooner. Et il le fait très bien. C'est à la fois leur premier et leur dernier album, tout ce qu'ils feront par la suite restera dans ces frontières (assez larges quand même). Ce qui est remarquable, c'est qu'ils ne ressemblent vraiment qu'à eux, leurs influences entres Beatles et Led Zep auront donné un métis unique. Les seuls à ma connaissance qui auront envie de les imiter, c'est Van Halen.



Queen I & II



Quel bordel. Alors oui, c'est un peu mieux dosé que le I (qui était chiant), mais c'est toujours bouffi de trucs et d'idées et ça part dans tous les sens, c'est éreintant. Tout Queen est déjà là, dans le son, les voix, les arrangements, les diverses influences, mais tout sonne comme un brouillon (The March Of The Black Queen est clairement un brouillon de Bohemian Rapsody), comme si ils voulaient, à chaque titre, montrer toutes leurs facettes. Et ça marche pas, pas assez de mélodies accrocheuses ou de direction qui donne au disque une cohésion.


Parce qu'ils ont autre chose à offrir : ils ne sont pas assez rock pour être The Who, mais ils aiment cette idée de rock-opera ; ils ne sont pas assez introvertis pour être Genesis, mais le progressif, c'est sympa ; ils ne sont pas assez charismatiques pour être T-Rex, mais le glam, c'est à la mode et ça le fait ; ils ne sont pas assez lourds pour être Led Zeppelin, mais le blues c'est pratique pour les gammes d'accord. Et puis ils aiment rigoler, contrairement aux autres pré-cités... Bref, tous les ingrédients sont là, mais la recette ne marche pas. Le déclic aura lieu juste après, dans A Night At The Opera. 

Je n'ai aucune idée de ce que j'aurai pensé de ces deux premiers disques de Queen à leur sortie. Je pense que si c'était un groupe des années 2000, ce seraient leurs deux premiers EP, débarassés de boursouflures, et que leur premier album serait un mix des deux, ou A Night At The Opera.