Il y a des pochettes, comme celle-ci, qui parlent énormément. En premier lieu, elle ressemble beaucoup à celle du premier album de la trilogie berlinoise de Bowie : Low. D'ailleurs, le fond est un monument funéraire allemand, gris, gothique. Devant, de profil (bas), un petit homme chétif déguisé en James Bond. Un nom de groupe au lourd passif (La divine comédie de Dante, houla) et un titre qui donne le ton et englobe tous les éléments précités : fin de siècle. Evidemment, ce disque date d'avant le passage à l'an 2000, un fantasme vécu par une humanité à la fois amusée et quelque peu terrifiée, des siècles de progrès n'ayant finalement jamais effacé l'irrationnel. Il n'est pas le seul à avoir pris la vague de ce fantasme temporel - je me contenterai de citer Tricky et son Pre-Millenium Tension - mais il porte plusieurs crépuscules et donc, bien son nom.
D'abord parce qu'en 1998, l'âge d'or des années indie-rock touche à sa fin. Les groupes anglais, ceux ayant porté la brit-pop à leur paroxysme, ceux qui l'ont singée, ceux qui posaient, ceux qui cherchaient, tous ne sont plus que des souvenirs, les nouveaux canons de la jeunesse se nommant néo-quelque chose. Néo-rap, néo-punk, néo-métal, néo-reggae, néo-dub, bah oui, c'est le nouveau millénaire, faut que ça change ! Des dreadlocks et des Docs, de la chanson française et du reggae, mélangeons, on verra bien si il en sort quelque chose.
Seul Neil Hannon reste. Il était déjà à des années-lumière de la masse ; ne lui parlez pas de brit-pop. Avec ce disque, il continue. Et termine. En condensant le passé, chaque titre rappelant de près ou de loin un précédent album, il résume la première période de Divine Comedy. Après celui-ci, le groupe mutera en bande, ôtera ses costumes cravates et perdra ainsi toute saveur.
En dix titres et quarante-cinq minutes, l'album propose de la pop sixties classieuse, kitsch, du cabaret, invite un orchestre symphonique, des dizaines de choristes, des effets spéciaux, fait du Burt Bacharach ou du John Barry. Malheureusement, pour une bonne moitié, les titres efficaces (comme par exemple le single National Express) n'arrivent pas à la cheville de leurs prédecesseurs. Ce qui faisait l'intérêt de Europe By Train ou de Something For the Weekend tenait dans leur immédiateté. Ici la sauce ne prend pas. Dans ce banquet final certains plats passent mal, trop épicés, trop compliqués, trop copieux pour être digestes. Ceux qui restent relèvent le tout. Ils fondent littéralement sans aucune faute de goût, doublement précieux : pour une fois, les paroles ne tiennent pas le second rôle.
Car le crépuscule ne s'annonce pas sans bilan. Les premières mesures clament que la génération sexe, celui qui se veut tape à l'oeil et vendeur, a pris le pouvoir. Le romantisme s'affiche désabusé, conscient de sa défaite. La théorie du chaos s'érige en reine. Le catastrophisme (des sectes, des scientifiques, des économistes...) domine les médias.
Le chef a tout cuisiné, nous dit "au revoir joie bonjour tristesse", en français dans le texte, vers le dessert. Mais il offre trois dernières douceurs, dont un magnifique présent d'optimisme et de rédemption : Sunrise. Hannon hante littéralement ce morceau, se rapprochant de l'interprétation de Bowie, celui qui aime reprendre Brel. Le cabaret allemand, les années 60, Brel, la pop, James Bond, Fin de siècle en fait le tour. Ainsi il ne constitue pas le meilleur album de Divine Comedy, mais le plus émouvant.
D'abord parce qu'en 1998, l'âge d'or des années indie-rock touche à sa fin. Les groupes anglais, ceux ayant porté la brit-pop à leur paroxysme, ceux qui l'ont singée, ceux qui posaient, ceux qui cherchaient, tous ne sont plus que des souvenirs, les nouveaux canons de la jeunesse se nommant néo-quelque chose. Néo-rap, néo-punk, néo-métal, néo-reggae, néo-dub, bah oui, c'est le nouveau millénaire, faut que ça change ! Des dreadlocks et des Docs, de la chanson française et du reggae, mélangeons, on verra bien si il en sort quelque chose.
Seul Neil Hannon reste. Il était déjà à des années-lumière de la masse ; ne lui parlez pas de brit-pop. Avec ce disque, il continue. Et termine. En condensant le passé, chaque titre rappelant de près ou de loin un précédent album, il résume la première période de Divine Comedy. Après celui-ci, le groupe mutera en bande, ôtera ses costumes cravates et perdra ainsi toute saveur.
En dix titres et quarante-cinq minutes, l'album propose de la pop sixties classieuse, kitsch, du cabaret, invite un orchestre symphonique, des dizaines de choristes, des effets spéciaux, fait du Burt Bacharach ou du John Barry. Malheureusement, pour une bonne moitié, les titres efficaces (comme par exemple le single National Express) n'arrivent pas à la cheville de leurs prédecesseurs. Ce qui faisait l'intérêt de Europe By Train ou de Something For the Weekend tenait dans leur immédiateté. Ici la sauce ne prend pas. Dans ce banquet final certains plats passent mal, trop épicés, trop compliqués, trop copieux pour être digestes. Ceux qui restent relèvent le tout. Ils fondent littéralement sans aucune faute de goût, doublement précieux : pour une fois, les paroles ne tiennent pas le second rôle.
Car le crépuscule ne s'annonce pas sans bilan. Les premières mesures clament que la génération sexe, celui qui se veut tape à l'oeil et vendeur, a pris le pouvoir. Le romantisme s'affiche désabusé, conscient de sa défaite. La théorie du chaos s'érige en reine. Le catastrophisme (des sectes, des scientifiques, des économistes...) domine les médias.
Le chef a tout cuisiné, nous dit "au revoir joie bonjour tristesse", en français dans le texte, vers le dessert. Mais il offre trois dernières douceurs, dont un magnifique présent d'optimisme et de rédemption : Sunrise. Hannon hante littéralement ce morceau, se rapprochant de l'interprétation de Bowie, celui qui aime reprendre Brel. Le cabaret allemand, les années 60, Brel, la pop, James Bond, Fin de siècle en fait le tour. Ainsi il ne constitue pas le meilleur album de Divine Comedy, mais le plus émouvant.