Voyage en Italie, classe de quatrième. J'ai une cassette compilant les tubes du moment, surtout en Français. Notamment la terrible Thaï Na Na de Kazero. Mais deux titres retiendront mon attention : C'est comme ça des Rita Mitsouko et Duel au soleil d'Etienne Daho.
N'ayant malheureusement pas, à l'époque, la culture de l'album, j'ai perdu l'occasion de m'offrir Pop Satori. C'est-à-dire beaucoup de temps perdu, de discussions ratées et de situations qui auraient pu changer mon histoire. J'en ai presque des regrets, à bien y penser. Et puis les Rita étaient plus rentre-dedans, quand même (et leur clip de C'est comme ça est toujours super).
Alors qu'en fait, sa musique marie la pop anglaise à la variété française, mais une variété constante de bon goût. Daho, c'est à la fois le Bowie et le Springsteen français : un dandy élégant d'abord et avant tout fan de rock, et un fer de lance national qui ne veut jamais se répéter d'album en album, tout en gardant une intégrité.
Daho a commencé avec l'électronique, le son des années 80. Mais pour y placer des chansons pop mélancoliques aux mélodies inédites. Avec la sortie de La notte, La notte..., son second album, la critique a été visionnaire : "Daho est de la trempe des grands, le genre d'oiseau au-dessus de la mêlée, de ceux qui font une carrière et accompagnent une vie." (dans Best) / "Un succès qui vient casser les cloisons imbéciles." (dans Rock and Folk).
Car ses chansons, une fois remixées, deviennent des tubes hédonistes de discothèques, étrange destin pour des ritournelles censées traduire un certain désarroi de la jeunesse (il faut souligner que les lignes de basse sonnent toujours bien, c'est plus simple pour la transition). "Pour te voir, cinq minutes encore, à Sable d'Or près des dunes" (Tombé pour la France) : le tableau est parlant mais concis, il en cache beaucoup mais l'ambiance est saisie dès le stade de l'adolescence. Forcément, ça touche. Il joue moins avec les mots comme pouvaient le faire Bashung et Gainsbourg, mais ils deviennent tous poétiques dans sa voix discrète et douce.
Puis Daho a suivi les modes des productions sans jamais se départir de ses visions, et aboutit trente ans après La notte... aux Chansons de l'innocence retrouvée. De deux choses l'une : soit l'innocence a été perdue il y a bien longtemps, avant même d'écrire des chansons, soit elle n'est jamais partie, tant le disque semble couler de source. Le single La peau dure et son entêtant riff de guitare sur trois cordes rappelle les La's et la pop "twee" anglaise de Belle & Sebastian. Mais ici, une fois encore, les paroles n'ont rien de naïf.
Aucun titre ne démérite, tous se disputent la première place. Evidemment, les participations de Dominique A. et de Debbie Harry (de Blondie...) boucle le sujet, ces chansons sonnent méchamment rock. Mais globalement un rock noir et blanc de chez Stax, comme Bowie voulait le copier dans Young Americans. Avec des cordes, aussi (cf. Spector, Françoise Hardy, Swinging 60s, Blur, To The End).
Ce disque n'a pas de genre, il les mélange tous, et tous peuvent l'écouter en y prenant plaisir, le fan de Goldman comme celui de Bowie, celui de NTM comme celui de Metallica. A condition de retrouver l'innocence qui abat les murs de l'enfermement volontaire.