vendredi 5 septembre 2008

Hawaï


2000. Tandis que le rock s'enlise dans des machines souvent trop grandes pour lui ou décide de jumper sans cesse (quitte à perdre tout sens musical et toute réflexion) et que le rap devient commercial, se muant en r'n'b (NDLR : j'écris avec des gants), la chanson française revient en force grâce notamment à la loi des ratios radios. Je ne lancerai pas de débat à ce sujet même s'il est légitime. Par contre c'est également à cette période que sort le premier album de Java, un quatuor parisien de, mh, disons, rap-musette. Ce que les noms composés peuvent être pratiques parfois. Car oui, le chant est la plupart du temps rappé, et la musique se place dans la grande tradition de la chanson française réaliste de l'après-guerre, basée sur un accordéon omniprésent.

Hawaï se pose en réaction. D'abord comme une réelle ode à une identité carte postale de la France, entre l'appartement de la Mère à Titi de Renaud, les paroles crues de Piaf, l'univers de Gainsbourg (Le Ramsès, véritable hommage à Melody Nelson tant dans le fond que la forme), les films de Bertrand Blier et le cinéma des années 70, et les Français des bistrots et de l'apéro. Ensuite comme un retour aux origines du rap et du rock : la contestation.

Exemple : "De toute façon aujourd'hui, tout l'monde en a rien a foutre des couplets ! Ils veulent juste un refrain à reprendre comme des abrutis." Et oui : dommage que le salace l'emporte parfois, une écriture plus fine aurait assurément fait de cet album une pépite. Cela ne nuit pas pour autant à l'originalité de ce disque, ni à sa bonne humeur, ni à sa colère de gréviste du capitalisme, ni au flow paresseux du chanteur. Hawaï, une destination de rêve qui restera une piqûre de rappel bienvenue à l'encontre de la soupe populaire.



dimanche 31 août 2008

Nous sommes tous des assassins

The Smiths. Meat is murder



- Patrick on a un problème pour le prochain numéro
- Qu'est-ce qu'il y a Christian?
- Il manque 4 pages pour boucler la maquette et personne n'a d'idées
- C'est pour Décembre ?
- Oui pourquoi?
- On fait une liste des meilleurs albums de l'année, on raconte deux trois anecdotes sur certains d'entre eux, une interview du premier et ça roule.
- Attend mais c'est pas bête ça, comment j'y ai pas pensé tout seul?
- On peut même faire mieux, je viens de lire un article sur le bug prévu pour le nouvel an, tout le monde a oublié que la fin du siècle c'est l'an prochain, on va faire les 100 meilleurs albums des 100 dernières années, on peut facilement faire dix pages dessus.
- Oui mais dix pages ça fait trop, on a la place que pour 4.
- C'est pas grave, vire l'interview de la blonde, là, Britney machinchose, de toutes façons tout le monde l'aura oubliée en Août.
- Bon on fait comme ça. Mais on met qui dans la liste?
- Rien de plus simple, tu mets deux ou trois Beatles, autant de Rolling Stones pour fâcher personne, un Velvet Underground...
- Du Pixies aussi?
- Bien sur du Pixies, et Nevermind aussi, pour jouer dans la continuité.
- Et en numéro un, on met quoi ?
- Du Smiths.
- Quel album?
-Meat is murder, c'est de loin le meilleur du groupe.
- C'est vrai que c'est quelque chose comme album. Barbarism begins at home fait éclater au grand jour le talent d'Andy Rourke à la basse et les guitares d'How soon is now magnifient à la fois le perfectionnisme de Morissey et le phrasé de Johnny Marr.
- Pour Barbarism on peut aussi souligner la dénonciation des châtiments corporels en vigueur dans l'éducation britannique.
- Et aussi l'hymne végétarien qui donne son titre à l'album.
- Et l'utilisation de samples, c'est assez rare dans la pop de l'époque pour être souligné.
- C'est vrai que ces cris d'animaux allant à l'abattoir en ouverture de Meat is murder ça glace le sang.
- Et la pluie hivernale sur Well, I wonder, on a vraiment l'impression d'être à Manchester un soir de Novembre.
- Dites les gars il y a quand même un problème dans tout ça.
- Tiens Thierry t'étais là ?
- Ça fait dix minutes que je vous écoute, je suis d'accord pour dire que Meat is murder est un des albums les plus importants de son époque, mais aux yeux du grand public on va pas pouvoir justifier de mettre un groupe quasi inconnu devant le White Album ou Beggar's Banquet.
- Oui mais c'est The Smiths quand même, c'est le groupe le plus influent des années 80.
- Attendez j'ai une idée pour mettre tout le monde d'accord. On met The Queen is dead, comme ça on a le groupe et avec Alain Delon sur la couverture on peut mettre un passage sur les artistes anglo-saxons qui ont le bon goût d'apprécier la France.
- Tu sais que c'est bon ça, Patrick? Bon on fait tout ça demain, en attendant je vous offre le repas.