Récemment des amies m'ont imaginé femme. J'aurais vingt-huit jours de règles par mois et Kim Gordon comme groupie. Cela m'a extrêmement flatté, mais pas seulement pour Kim Gordon : je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse m'accepter dans un autre genre. Je ne ferais donc pas seulement partie de la catégorie des oppresseurs, je pourrais être une femme comme les autres. Et comme la plupart des filles que je côtoie, je serais amoureuse de Nick Cave.
L'homme le plus classe du monde après Bowie, cinquante-six ans au compteur, aura marqué le monde de son univers de cabaret remplis de freaks et de meurtriers, enrobé d'une voix grave et d'un physique de Corto Maltese. Le ténébreux, le corbeau ultime.
Ce soir à la Rockhal, la première partie est tenue par une fille sans artifice, qui chante magnifiquement dans des tonalités graves et pincées, entre Patti Smith et PJ Harvey, mais seulement accompagnée de son accordéon horizontal. C'est chouette mais ne colle pas du tout à la salle. Ce serait mieux dans un bar, un club. Elle part comme elle est arrivée, ayant réussi à déprimer un peu tout le monde, surtout qu'aucun jeune de moins de trente ans n'a semblé s'être déplacé pour les mauvaises graines. Ca me déprime encore plus.
Mais les Bad Seeds vont secouer tout ça. En gros, à chaque morceau, je me disais "Putain c'est magnifique". De We No Who U R à Push The Sky Away, tout le set revisite de vieux titres mélangés à ceux du dernier en date. Dès le second morceau, le superbe Jubilee Street, le groupe s'emballe et conclut la chanson telle qu'elle devrait être sur le disque : rageuse, progressivement en colère, explosive. Tupelo en troisième position : ok, on sait que tout sera bon, que la tension ne baissera jamais, que le spectacle sera au niveau, que la basse sera toujours menaçante, qu'on parle aux tripes. Aux fondements.
Au milieu de draps rouges de théâtre, rappelant Twin Peaks et son univers dérangeant, le groupe désormais privé de Blixa Bargeld et de Mick Harvey enchaîne parfaitement les ambiances, sait déraper comme se faire discret, soutenir son chanteur comme s'il s'agissait d'une diva de stade. Des pros. Des musiciens. Mais qui savent aussi ce qu'est le rock, et deviennent berserk, même avec un violon ou une mandoline électrique (ces deux derniers instruments étant joués par le nouveau bras droit de Nick 'Corto Maltese' Cave, Warren 'Raspoutine' Ellis).
The Mercy Seat puis Stagger Lee sont d'anthologie, Cave s'amuse avec les filles du premier rang, leur prend la main, les colle sur son coeur, tandis qu'il pleure presque sur le sort des personnages qu'il incarne, tandis que parfois le groupe imite les coups de feu, un quart d'heure de manège. Il saute, martyrise son piano droit, balance ses bras élastiques, prend des poses de surfeur, c'est un showman, un entertainer, un comédien, un humoriste, un prêcheur, un type normal qui parle au public en ami. Il charme tout le monde, capture la salle, otage.
Le rappel dure cinq titres, sans doute plus qu'à l'accoutumé, le patron semblant à l'aise et regardant ses compagnons avec les yeux interrogateurs alors que la salle crie les titres qu'elle aimerait entendre (ce sera The Weeping Song, si ça se trouve ils vont mettre en place le système de pancartes de Bruce Springsteen) et se termine, pour près de deux heures parfaites, sur une interprétation grandement punk de Jack The Ripper.
Push The Sky Away, dernier titre avant le rappel et dernier titre de l'album, rassemble la posture de Léo Ferré et du trip-hop minimaliste, c'est poignant, envoûtant et hypnotique ; jamais je n'aurai voulu faire une pause toilettes, et jamais je n'avais vu un groupe être à la fois aussi précis et autant honnête dans ses valeurs et sa personnalité. Car toute la tournée semble être du même acabit. Toujours intense, toujours parfait, toujours sincère.
Le rappel dure cinq titres, sans doute plus qu'à l'accoutumé, le patron semblant à l'aise et regardant ses compagnons avec les yeux interrogateurs alors que la salle crie les titres qu'elle aimerait entendre (ce sera The Weeping Song, si ça se trouve ils vont mettre en place le système de pancartes de Bruce Springsteen) et se termine, pour près de deux heures parfaites, sur une interprétation grandement punk de Jack The Ripper.
A l'image de la première partie, et comme le disait mon pote John 'Obi' Scandal, on aurait aimé voir ça dans une petite salle de cinq cent personnes, dans un club, dans un grand bar. C'aurait été encore mieux, il aurait pu m'offrir à boire en plus de me dédicacer une chanson. J'espère qu'il y aura un dvd de la tournée.
Raaaaah j'en veux encore !
Raaaaah j'en veux encore !