vendredi 14 novembre 2008

Blondie en concert


Je ne sais pas si ce sentiment arrive également à mes semblables. Après tout, il est extrêmement rare de dévoiler notre part profonde, et ce malgré tous nos efforts de communication, ne serait-ce que parce qu'expliquer une sensation ne donne jamais un tour d'horizon satisfaisant de l'état global dans lequel on se trouve au moment t : il manque toujours un élément, à commencer par tout ce qui a pu se passer avant d'en arriver là, le vécu. Forcément personnel. Il m'arrive donc - heureusement fort rarement - d'être atteint par un vide total, imbattable, inattaquable. Rien, même pas ce qui compte le plus au monde, peut extirper mon moral de cette vanité sans fond. Tout est vain. Pourquoi vivre ? Pourquoi continuer ? Pourquoi s'acharner, se débattre et débattre sans cesse ? La dernière fois que ce cauchemar a débarqué, j'étais dans une file d'attente de la Poste. Me sentant progressivement devenir aussi immobile que la vitrine de timbres de collection qui trônait au milieu de la salle, privant les pourvoyeurs / receveurs de colis d'un confort pourtant mérité, mon cerveau forcément malade me fit le tour de cochon d'une association d'idées propre au maniaque de disques, et je tombai sur un vieux hit qui n'avait rien à faire là, encore moins que la vitrine de timbres de collection : Heart Of Glass.

Illico presto (enfin, après avoir réussi à quitter la Poste), je fouine à la recherche de mon unique Blondie, un live. Période punk, entre deux concerts, un de 1978, un autre de 1980. L'ironie de la situation m'amuse. Qu'y a-t-il de plus creux qu'une blonde peroxydée, qui, de plus, navigue dans l'inutilité de la disco, minaude et annihile le moindre de ses musiciens ?

Et pourtant non. Si ironie il y a, c'est bien le groupe qui l'affiche en carte de visite, retenant l'attitude des quatre trublions de The Who : à fond les manettes, jouir au maximum, et se foutant de tout. Y compris de l'appartenance à un quelconque mouvement. Entre pop rétro et influences électroniques récentes (le clavier de Kraftwerk a tout chamboulé), Blondie s'éclate, Blondie larsen, Debbie Harry s'époumone, les spots font suer. Contagieusement, les morceaux s'allongent, s'enchaînent, virent au punk, la salle semble se transformer en soirée arrosée : l'arrogance est totalement absente.

Le nihilisme, finalement, n'a qu'une issue : la fête (à moins que ce ne soit le contraire). Je le sais, une blonde pas creuse malgré son corps de lapine l'a scandé il y a près de trente ans, en morceau final, une reprise de Iggy et Bowie, un titre qui disait "all aboard for funtime".