jeudi 16 octobre 2008

Boeufs


Souvent, bien trop souvent, le rock manque cruellement d'une distance qui éviterait de lui gonfler la tête et les chevilles : l'humour. Et je ne parle pas de la pléiade de groupes "festifs" qui prennent au sérieux leurs blagues de potache, niveau zéro degré, ou, pire, leur soi-disant engagement anti-mondialisationflicagecapitalisme. Si Zappa a toujours scruté le reste de la production d'aussi haut, c'est qu'il avait aussi ce don de se moquer de lui-même, de proposer des titres salaces qui ne manquaient jamais de mises en scène flamboyante, de faire de ses concerts garantis sans aucun trucage des spectacles vivants et interactifs ; de laisser l'imprévu débouler.

Comme Shellac, Oxes partage cet humour et cet humilité qui ne les rendent que plus sympathiques. Comme Shellac, ça fonce dans la destructuration, dans le strident, dans le groovy expérimental, le moitié imprévu, moitié prévu. Sauf que c'est deux guitares et une batterie sans personne pour y chanter quoi que ce soit. Pour quoi faire ? Des boeufs, donc, (oxes), qui affirment "Ta rue contre Wall Street" (Your Street vs. Wall Street), pas la peine d'aller plus loin, on a compris, comme le miroir en couverture. Regardez-vous, vous, les boeufs encravatés.

Décrassage d'oreille, aucune pose, aucune affiliation, invention de termes tels que math-rock pour pouvoir parler de leurs productions, voilà ce que veulent Oxes : dérouter. Et bien, j'y retourne avec joie. Et bonne humeur.

Et là, il faut leur MySpace, coco, obligé.


mercredi 15 octobre 2008

Le pays de l'araignée



Tandis que je tente désespérément de suivre mes amis qui ont envahi l'endroit comme autant de parasites, la lumière ne colle pas avec l'ambiance. Un je-ne-sais-quoi distille du malaise. Le mien uniquement, puisque tout le monde semble apprécier, riant, flirtant, dansant, même à contre-courant. Il pourrait bien s'agir de la musique. Pas entraînante pour un euro, elle englobe la salle et la ralentit, avant d'ouvrir la foule sur une table basse devant laquelle Pam se vautre, son verre à cognac gigantesque à hauteur de ses yeux.

- T'as vu le type là-bas ?
- Lequel ? je demande, ou mes yeux, peut-être, le font-ils à ma place.
- Celui avec le tricorne. Impayable !

Il y a effectivement un type en tricorne, qui n'a pas l'air de s'amuser. Lui aussi cherche du regard. Mais au loin, lorgnant vers la sortie, insensible aux remous qu'il côtoie, il doit penser à son bateau. Enfin, c'est ce que je me dis. Quoi ?

- Je disais que tu as un chouette chapeau aussi, me dit Don.

Je porte un haut de forme sanglé d'un bandana rouge vif. Et là je me souviens : Sam me l'a donné avant son départ, que nous sommes censés être en train de fêter, Sam, déjà parti, je devais lui dire un truc, un truc super important, je vais le trouver. Ah mais non, il est parti. Pourtant je suis déjà dehors. J'entends distinctement les pulsations qui sortent du bar, elles me paraissent plus claires qu'à l'intérieur. C'est normal : le groupe joue dehors, à cinq mètres de moi, comme une répète dans la rue, ils jouent pour eux, se lancent des sourires ou ferment les yeux, concentrés, ailleurs. Jusqu'à ce qu'un avion passe, et non un bateau pour tricorné, un avion, celui de Sam.

Spiderland par Slint : le disque de mes rêves.