vendredi 4 septembre 2015

SOMETIMES THE NERD GETS THE GIRL*




SOMETIMES THE NERD GETS THE GIRL .*



it all began with that guy who worked at the BuyMore.



En préambule à cette histoire il convient d'éclaircir un point lexical propre au monde des séries. Le terme shipping désigne la façon dont, que ce soit du fait du scénariste ou de l'imagination du téléspectateur, la relation entre les héros d'une série ou d'un film va tendre vers un aspect plus ou moins intime et le chemin scénaristique qui va y mener. (Il est à noter que, en dehors du coté ironique de la chose, l'expression mener en bateau est la plus pertinente pour traduire shipping en français). Les exemples les plus connus sont David Addison et Maddie Hayes dans Moonlighting, Rick Castle et Kate Beckett dans Castle ou Mulder et Scully dans X-Files . Pour une plus ample compréhension du terme je ne saurais que trop vous conseiller de visionner le passage de la série Episodes ou Matt LeBlanc explique à Stephen Mangan et Tamsin Greig pourquoi le personnage principal féminin de leur série ne peut pas être lesbienne par rapport aux attentes du public américain.
 
Chuck est une série créée par Chris Fedak et Josh Schwartz qui a été diffusée entre 2007 et 2012 sur NBC. Il y a une quinzaine d'année être diffusé sur NBC signifiait avoir un bon accueil critique, une certaine qualité dans l'écriture et une assurance d'être dans les shows les plus regardés à la télévision. De nos jours, si l'accueil critique et la qualité restent constante le public est parti ailleurs, ce qui assure surtout à la série la certitude de ne pas avoir de certitudes.

Au moment où la série débute, Charles Irving Bartowski, alias Chuck (Zachary Levi), fête ses 25 ans. C'est le prototype du nerd coincé dans une vie qu'il n'aime pas, il travaille en tant qu'expert au service informatique du BuyMore de Burbank, spécialisé dans la maintenance de la micro informatique et de la téléphonie, et selon ses propres dires sa vie s'est arrêtée quand il a été exclu de Stanford suite à des accusations de tricherie portée par son colocataire d'alors Bryce Larkin (Matt Bomer), lequel en a ensuite profité pour lui voler sa petite amie Jill. Depuis Chuck tourne en rond entre son travail, sa sœur Ellie (Sarah Lancaster) et son futur beau-frère Devon «Captain Awesome » Woodcomb (Ryan McPartlin), chez qui il vit depuis la disparition de ses parents et son meilleur et à peu près seul ami Morgan Grimes (Joshua Gomez), jusqu'au jour où Bryce Larkin se rappelle à lui sous la forme d'un email codé contenant la mémoire d'une base de données de la CIA appelée Intersect qu'il a dérobée puis envoyée à son ancien ami. En ouvrant le message Chuck va se retrouver avec l'Intersect implanté dans la mémoire et devenir à la fois un intérêt stratégique et un atout majeur pour le gouvernement américain, qui va lui envoyer deux de ses meilleurs agents, le major John Casey de la NSA (Adam Baldwin), assassin dont l'efficacité sur le terrain n'a d'égale que le manque total de qualités sociales et l'espionne Sarah Walker (Yvonne Strahovski), qui va servir de chaperon à Chuck sur le terrain tout en agissant comme sa petite amie afin d'assurer sa protection dans la vie de tout les jours.

Il serait facile de considérer Chuck comme une série d'action pour les jeunes adultes et les post-adolescents vu qu'elle en embrasse une bonne partie des codes. Et le fait est que sur cette partie la série se défend plutôt bien, assurant une histoire efficace, des scènes d'actions bien menées et une mythologie cohérente bien qu'un peu tirée par les cheveux à certains moments. Pour aider en cela les auteurs peuvent s'appuyer sur une équipe d'acteurs de très bon niveau, emmené par le couple vedette Yvonne Strahovski/ Zachary Levi, qui semble réellement habiter leurs personnages tant leur relation à l'écran paraît réaliste. Les autres ne sont pas en reste, Adam Baldwin creuse ici encore un peu plus le filon qu'il avait ouvert dans Firefly dans la parodie de héros d'action sans remords ni émotions, Joshua Gomez est parfait dans le rôle du meilleur ami et confident du héros, apportant de plus son potentiel comique, et ce dès la scène d'introduction. Sarah Lancaster et Ryan McPartlin tirent eux le maximum de leurs rôles, que ce soit la sœur qui se démène pour que Chuck sorte enfin de l'impasse sentimentale et professionnelle dans laquelle il se complait depuis trop longtemps ou le futur beau-frère beaucoup trop parfait pour cacher ses failles et ses peurs. Quand au personnel du BuyMore, auquel Chuck sert à la fois de motivateur, de boussole morale et bien trop souvent de seule forme de vie intelligente disponible, le moins qu'on puisse dire est que rien de bon ne devrait en sortir, pourtant Big Mike (Mark Christopher Lawrence) arrive à toujours être le chef qu'il est censé être malgré ses efforts multipliés pour faire exercer ses obligations par ses subordonnés, et Jeff Barnes et Lester Patel (Scott Krinski et Vik Sahay) réussissent l'exploit de rester totalement appréciable malgré toutes les bassesses dont ils se montrent capables au long des 5 saisons, au point d'arriver à être pardonnés de leurs méfaits sans jamais réellement savoir comment c'est venu.

La vraie plus-value de la série tient à ce que dès le départ Chris Fedak a bien pris en compte le shipping potentiel autour de ses deux héros et a décidé d'en faire l'axe de développement de son histoire. Pour cela, au lieu d'agir comme il est de coutume et de bâtir petit à petit une relation qui va aller vers l'amitié puis l'amour, il provoque le coup de foudre dès leur première scène commune (il me faut préciser que ceci est une interprétation personnelle et que même si il est effectivement dit par les deux personnages qu'ils s'aiment depuis leur première mission en commun il n'y a aucune précision temporelle sur le moment exact.) et va ensuite jouer avec les nerfs de nos héros en semant des clous sur la route du bonheur.

La première, et plus sérieuse, des difficultés tient au fait qu'aucun des deux ne peut réellement exprimer ses sentiments envers l'autre, Sarah pour la raison qu'en temps que protectrice de Chuck elle ne peut avoir de relations autres que professionnelles avec lui au risque de mettre sa carrière et leurs vies en danger et Chuck parce qu'il ne croit tout simplement pas qu'une fille comme Sarah puisse avoir des sentiments pour quelqu'un comme lui, ce fait étant aggravé par son incapacité à formuler simplement ses sentiments où à poser les questions les plus évidentes.

Ensuite vient le fait qu'au début de la série, plus que deux personnages, c'est deux mondes totalement différents qui s'opposent lorsque nos deux héros se rencontrent. Chuck a le cœur sur la main, il se refuse à blesser moralement ou physiquement qui que soit et sa première réaction en mission est de protéger tout le monde, quitte à se mettre en porte à faux vis à vis de Sarah et Casey. De plus il a la faculté d'accorder très facilement sa confiance aux gens qu'ils croisent et de pardonner à ceux qui le trahissent, ce qui dans le monde dans lequel il est plongé s'avère souvent plus suicidaire que bénéfique. Sarah, de son coté, a passé toute sa vie a se méfier des gens qu'elle croise, et ce bien avant son entrée à la CIA, son père arnaqueur  n'ayant jamais hésité à la mêler à ses combines ni à l'inciter à mener ses propres affaires. Dès lors le jeu qui va s'instaurer va être pour chacun d'essayer d'aider l'autre à s'ouvrir a un monde qu'il ignore, Sarah en poussant Chuck à prendre confiance en ses capacités réelles et à ne pas croire les gens qu'ils ne connaît pas, Chuck en incitant Sarah a réaliser qu'il existe autour d'elle des personnes sur qui elle peut compter et s'appuyer sans réserve.

Deux autres facteurs plutôt inattendus vont aussi freiner l'évolution de l'histoire de Chuck et Sarah. Le premier est  Bryce Larkin, qui de façon inattendue joue un rôle dans le passé de chacun de nos héros. En plus d'être celui qui a ruiné les plans d'avenir de Chuck, Bryce est le dernier partenaire en date de Sarah quand celle-ci vient à Burbank approcher Chuck, et il devient vite clair que leur relation ne s'est pas arrêté au plan professionnel. Dès lors Bryce va devenir une sorte de mur dressé entre nos deux héros, que ce soit par la simple évocation de ses actions passées ou par ses interactions directes avec l'équipe de choc et il faudra bien du temps pour venir à bout de tout ce qu'il a laissé en suspens par ses actions.

La deuxième nuisance est le BuyMore de Burbank, le lieu même ou travaille notre petite troupe, qui de part sa capacité nuisible n'est pas sans rapprocher notre héros d'une célèbre tueuse de vampires. A l'instar du Sunnydale de Buffy Summers, le BuyMore de Chuck est l'exemple parfait de ces endroits où rien de bien ne peut arriver mais dont aucune échappatoire n'est envisageable, le pire étant que même la destruction est inefficace car le magasin sera reconstruit au final, ce qui le rend encore plus diabolique que la bouche de l'enfer.

Au final Chuck est une série qui n'a pas forcément eu la reconnaissance qu'elle méritait, la principale raison étant qu'elle était diffusée sur une chaîne que plus personne ou presque ne regarde aux USA , ce qui fait que les créateurs ont du souvent lutter pour la garder en vie, avec des soutiens plus ou moins attendus, comme la décision du groupe Subway de sponsoriser le show après une campagne de mobilisation des fans et des acteurs eux-même. On peut aussi avouer que le show n'est pas exempt de défauts dans la construction de l'entourage de Chuck et dans la gestion de certains évènements, le principal étant le déroulement de la troisième saison et de son arc majeur, en ceci qu'il ne fait qu'enfoncer un peu plus dans le cerveau du téléspectateur les faits qui lui ont déjà été exposé dans les deux précédentes, ceci étant aggravé à mon gout par le choix de donner le rôle pivot de la saison à Brandon Routh là où il aurait été plus efficace de choisir Mark Andreas Sheppard (une fois encore, ceci est une opinion personnelle, je trouve juste que Routh manque du charisme nécessaire à s'imposer en figure autoritaire). Néanmoins on pourra accorder a Chuck la force d'avoir su jongler avec les paradoxes, présentant un héros gentil sans que ce soit un handicap, peinant à avoir de l'audience mais bénéficiant d'un soutient inconditionnel de ceux qui l'ont regardé, s'appuyant sur la culture geek sans jamais s'en servir pour ridiculiser ses héros et, peut-être le plus important, réussissant à me faire vous vanter un show entièrement basé sur le shipping alors que c'est la technique que je déteste le plus dans le monde des séries.

*extrait de Chuck versus the cougars. (S02E04)

mardi 2 juin 2015

Rock im Revier


Ce week-end, je n'ai pas pu voir un groupe de dessinateurs qui jouent aux rock-stars. C'est dommage car c'était à Annecy et qu'il y faisait beau. Mais bon, on ne peut pas être partout, et le festival Rock im Revier était bien plus loin, en Allemagne, près de Dortmund.

Exactement, il a pris place dans le stade du club de football allemand Schalke 04 - et c'est un sacré grand stade. Tellement grand qu'en fait il était très malaisé de circuler entre la fosse (où la pelouse avait été retirée) et les gradins, car la sécurité était limite intimidante et le stade multiplie les portes et les entrées. La première fois, pas simple de s'y retrouver, surtout que les stades, je n'y vais jamais.




Côté organisation, c'est un mélange de réussite et d'organisation parfois aléatoire. Par contre au niveau de la logistique, c'est sûr : nous ne mourrons pas de faim ni de bière. Je vous conseille personnellement les schnitzels : de la dinde panée dans du pain, accompagnée de moutarde douce, c'est un délice. Et bien meilleur que toute la bouffe de festival que j'aie pu voir jusqu'à maintenant. Les saucisses pareil. Les concerts, ça dépend, surtout que je suis loin d'en avoir vu beaucoup.

Cependant, une constante, puisque je n'ai pas quitté le Big Stage et n'ai rien vu des autres scènes : tous les groupes sont pros. Les changements de plateau sont rapides, le son est bon, et je n'ai vu aucun réel problème. Les horaires sont respectés. On est face à des types qui ont bourlingué, à l'image du batteur de Incubus qui a la photo de sa femme et de ses mômes accrochée au pied du charley : il est au bureau.

Within Temptation font du métal symphonique avec une chanteuse pulpeuse type viking entourée de vikings qui jouent de la guitare. Faut aimer. Et puis les flammes sur scène c'est surfait, même Metallica n'en mettent plus.




Triggerfinger est un power trio belge de types sans cheveux ou alors complètement blancs. Je n'ai vu que les vingt dernières minutes du concert mais bon sang ça envoyait. Et ça montait sur les amplis, ça dansait, ça faisait du garage et chantait comme des crooners. Pas convaincu par les tours classiques pour faire participer le public, mais c'était rôdé et généreux, pas de tromperie dans la marchandise, du rock graisseux parfaitement exécuté.




Bonaparte se compose d'un chanteur guitariste, d'une guitariste, d'une bassiste-clavier, d'une batteuse et de deux danseuses. Je n'en avais jamais entendu parler. Musicalement, c'est un peu à la mode du retour de la new-wave, ça sonne années 80, on pense un peu à Talking Heads mais en beaucoup (beaucoup) moins bon. Ca ne m'a pas du tout parlé pourtant. Il faut dire que le vrai spectacle était les danseuses qui changent de costume à chaque titre - costumes souvent étonnants par ailleurs -, ouvrent des bouteilles de champagne sur leurs poitrines nues et prennent toute la place sur scène. C'était étrange mais assez fascinant.


The Hives avait la meilleure décoration sur scène. La tête géante aux yeux rouges qui joue au marionnettiste, bandes réelles aux bout des doigts, ça fait son effet. Et puis on ne s'ennuie pas avec la vidéo, comme ça. Et puis, leur roadies sont déguisés en ninjas, discrétion d'abord. Ca m'a bien fait rire personnellement. Toujours classes, les Suédois n'ont pas failli, mais leurs titres se ressemblent trop pour être toujours attirants. Les anciens fonctionnent bien par contre, et ce serait bien si ils parlaient moins entre les morceaux. Comme Triggerfinger, les vieux trucs de rocker style "Are you readyyy ???" me fatiguent de plus en plus.





J'avais déjà vu Incubus dans un autre festival, il y a une dizaine d'années, et cela n'a pas trop changé, finalement. Toujours pénible et ennuyeux, voire plus. Car les années basse funky, c'est fini. Le bassiste est un hipster (casquette, barbe, sweat à capuche sur la casquette), le chanteur fait son Jésus et n'hésite pas à lancer des regards hallucinés lorsqu'il joue du djembé (tout est dit non ?), le guitariste n'a plus son bandana de Mark Knopfler mais chacun a son tapis tressé à la main et le DJ a des dreads de deux mètres (ou presque). Le tout fait de la variété planante, mais malgré les parties un peu lyriques, ça ne décolle pas. Pourtant ils ont des fans. Alors oui ils sont techniquement très bons (le batteur, c'est un plaisir à entendre), mais ça ne suffit pas à faire de la bonne musique, ni même un bon concert. La preuve ultime, c'est l'utilisation de la vidéo, qui fait défiler les économiseurs d'écran de Windows 95 non stop.




Muse n'ont pas été généreux : tête d'affiche largement méritée, ils n'ont joué que une heure trente, pause (courte) comprise. A part ça, ils accumulent les superlatifs, le bon goût, un professionnalisme impressionnant et une ambiance autant électrique que joyeuse. La setlist (cliquez sur le nom du groupe) prouve également qu'ils ne regardent pas en arrière, ils ont bien quelques vieux tubes, mais la première place revient aux derniers albums. Loin devant les autres groupes, l'utilisation de la vidéo fait partie intégrante du spectacle, qui essaie de délivrer un parti-pris sans doute alter-mondialiste (je n'ai pas trop cherché à comprendre, on a droit à un extrait discours de JFK notamment), les titres s'enchaînent sans problème, tout va de soi tant les quatre musiciens (ils ont un clavier en renfort) maîtrisent complètement leurs instruments. Prenant la moitié de la scène si on ne compte pas le piano à queue transparent sur lequel des lumières s'allument au rythme du pianiste qui en joue, le groupe est soudé et s'amuse clairement. Ce qui est impressionnant tant ils ne font aucune erreur, se connaissent assez pour ne jamais perdre le fil des solos de guitare de Matthew Bellamy et produisent assez d'énergie pour happer le stade entier. Ils reprennent, à l'instar de Metallica, Il était une fois dans l'ouest en introduction d'un titre rageur, naviguent entre progressif et pop sans être grandiloquents. Moi qui déteste les groupes qui se cachent derrière un abus d'effets pyrotechniques ou des artifices, chez eux, ça passe. Il n'y a pas vraiment d'abus, puisqu'ils ne lancent que des milliers de cotillons à la fin d'un titre, puis des ballons noirs géants en fin de concert. Ils le faisaient déjà il y a dix ans, et déjà cela renforçait l'entente avec le public. Des équilibristes que l'on ne peut que saluer avec déférence : à la fois groupe de scène, groupe de spectacle, groupe intègre et musiciens accomplis.








Faith No More ont un problème. En 2009, lorsqu'ils sont revenus sur scène, ils étaient tête d'affiche, n'avaient pas de nouveaux titres, mais le temps de faire ce qu'ils voulaient. En 2015, avec un excellent nouvel album, ils se retrouvent en festival avant Metallica, n'ayant qu'une heure et quart pour jouer devant un public qui ne vient pas forcément les voir. Résultat, seuls quatre nouveaux titres au milieu de classiques que certains fans sont parfois fatigués d'entendre, mais qui fonctionnent mieux pour ceux qui ne les connaissent pas. Cependant, ils ne souffrent d'aucune faute de goût, ayant toujours cet humour décalé, la scène remplie de fleurs, arborant des colliers colorés et des costumes blancs pour une musique variée entre métal, soul et structures complexes. Aligner l'anxiogène Separation Anxiety après leur reprise soul de Easy (qui parle d'un homme qui va quitter sa copine) semble logique chez Faith No More, groupe qui défie les classifications et la définition même de rock. Ils furent parfaits, comme d'habitude, et la voix de Mike Patton reste la plus incroyable à entendre.





Metallica fut la grande surprise. Car ce n'est pas un groupe que j'apprécie forcément, leurs albums étant fatigants : ils ont vieilli, ils sont trop rapides et aigus, ils n'ont pas toujours réussi à être équilibrés. Mais c'est un groupe de légende, qui a révolutionné le métal, qui a écrit des classiques instantanés, qui a une longue carrière et a rempli tous les critères du folklore rock : drogue, morts, scissions entre membres, discours réactionnaire, succès phénoménal, icônes têtes à claques, concerts gigantesques, chiffres de vente vertigineux, riffs indémodables. Je craignais de voir une machine sans âme, qui allait aligner les tubes avec quelques surprises, qui jouerait en pilotage automatique. J'avais tout faux. J'ai vu un vrai groupe, certes vieillissant et par moments fatigué, mais qui a joué deux heures et quart sans sourciller ni dédaigner son public. Au contraire, une centaine de fans - voire deux cent, ayant sans doute payé le prix fort des places VIP - se trouvait sur scène, derrière le groupe, tout le long du concert. La scène était minimale : la batterie la moins surélevée du festival, cinq micros sortis des années 60 (placés à divers endroits, ils permettent à James Hetfield de se montrer à tous les angles de la salle), et aucun ampli. Craignant un déluge pyrotechnique, je n'ai eu droit qu'à quelques stroboscopes sur l'intro de One et une scène de Le bon, la brute et le truand (celle où Tuco court dans le cimetière, musique de Ennio Morricone, titre The Ecstasy of Gold) avant le début du concert. Pour le reste, un groupe qui s'amuse, qui parle avec le public, qui présente ses morceaux, qui mélange l'inédit en live avec des classiques de son premier album, qui s'affale sur ses fans et qui joue vite et bien. Et puis, nous avons eu une chance inouïe : de peur de l'afflux de personnes sur le devant de la scène, la salle était coupée depuis la fin du concert précédent sans possibilité de traverser dans un sens comme dans l'autre. Nous étions bloqués devant, mais sans être pressés par la foule. Une foule venue essentiellement pour eux, et qui a été ravie, dans tous les sens, par ces vieux rockers reconnaissants. Quoiqu'on pense de Metallica, tout le monde les connaît, eux et leurs chansons. Alors, lorsqu'ils jouent ainsi, la joie partagée domine.











Crédits photos : Toutes les vidéos, les photos de Metallica, Faith No More, Muse, Within Temptation et la seconde de The Hives sont personnelles. Les autres ont été trouvées sur le site du Club de Schalke 04, le site de Rolling Stones DE et sur un blog.

mardi 14 avril 2015

Un nouveau jour se lève


Mon monde a changé. J'ai beau me considérer mélomane, j'ai et aurai sans doute toujours un manque complet de culture sur certains types de musique (la cubaine par exemple). C'est embarrassant, mais comme me le faisait remarquer un ami, avec l'âge, c'en est un peu fini, de l'éclectisme. On se connaît mieux soi-même, on sait ce qui nous plaît le plus, on cherche finalement des déclinaisons heureuses de nos goûts.

Cela doit faire maintenant dix ans que je ne suis plus l'actualité musicale comme avant. J'ai laissé tomber, j'ai eu du mal à tenir à l'évolution, celle venue de YouTube, des sites musicaux où l'on trouve des concerts privés, celle des blogs, des fournisseurs de streaming. Du coup je me suis perdu. Du coup, je me suis tourné vers le passé, celui que je ne connais pas, et j'écoute maintenant essentiellement des intégrales. Désormais, enfin, il est possible de découvrir un artiste autrement que par ses seuls singles, enfin on peut trouver des albums rares dont on nous rabâche les oreilles depuis toujours, enfin il est possible de découvrir des artistes inconnus via les conseils algorithmés de Deezer ou Lastfm. On fait même des découvertes ahurissantes, comme l'album OphiciusDu coup, l'actualité n'a plus autant d'attraits.

Et puis surtout, le temps des critiques rock omnipotents, gardiens du bon goût, assassins vicieux et crypto-attachés de presse de maisons de disque aussi dirigistes que vénales, est terminé. Enfin, on peut se faire sa propre opinion, enfin on trouve des passionnés à qui la parole est offerte, enfin les petits groupes peuvent diffuser leur musique sans passer par un intermédiaire. Steve Albini en parle bien mieux que moi.

Ca évitera de louper des trucs. Je pense par exemple à Divine Comedy. Pendant des mois, les Inrocks version radio n'ont passé que la chanson Europop tirée du premier album du groupe de Neil Hannon. Ce truc sorti des années 80 me semblait bien trop à la mode, mis en avant par une bande de nostalgiques des années cold-wave synthés, j'ai donc passé mon tour. Alors qu'en fait, ce titre n'est absolument pas représentatif du disque. Résultat, des mois de perdus.

Et avec Hüsker Dü, ces mois devinrent des années. Fan de Sugar depuis les débuts, et comme les Pixies restent pour moi le groupe de référence, il était temps que je découvre leur réelle inspiration, il fallait que je me penche sur les autres œuvres de Bob Mouldancien chanteur-guitariste-compositeur de Hüsker Dü. Hüsker Dü, c'est une légende, c'est la base d'un large pourcentage de ma musique favorite : le punk mélodique. Mais c'est aussi un groupe peu vendeur après sa séparation, les disques ne sont pas faciles à trouver, ou à un prix bien élevé... Que me dit la critique ? Qu'il faut écouter Zen Arcade, double album, double chef d'oeuvre. Sauf que Zen Arcade ne m'accroche pas. Le son, évidemment, n'est pas à la fête - ce sont les années 80 et le punk pense encore devoir être au rabais -, les titres varient entre l'original, le bon et l'accessoire, et cela se termine par quatorze minutes de bruit, un peu répétitif, un peu vain. Je les oublie.

Avec le récent retour de Bob Mould, qui décide de renouer avec le popcore, cette pop rapide et vitaminée, mélange de punk et de chansons enjouées, cette power-pop qui trouve sa base chez Big Star, ma curiosité sur ce groupe revint à la charge. Il faut dire que le bonhomme fait une tournée qui passe par chez moi et a décidé de mettre dans sa setlist des titres de ses anciennes formations pour obtenir un mélange condensé de son oeuvre.

C'est New Day Rising qui déclencha ce que j'avais loupé auparavant. Où l'on apprend comment écorcher un chat, à célébrer l'été, au droit de fantasmer sur la fille de la colline (en réalité une marque de vodka bue par une amie cancéreuse de Grant Hart, batteur et autre compositeur / chanteur du groupe), à celui de lire des livres sur les soucoupes volantes. Beaucoup plus concis que Zen Arcade, moins expérimental mais plus abouti, il va à l'essentiel sans pause ou presque.

Alors que Zen Arcade multipliait les pistes, ici tout est digéré : la guitare acoustique comme les parties de piano entrent naturellement dans les compositions, plus complexes que le punk de course automobile Nascar des débuts mais toujours rapide et parfois martial (New Day Rising, la chanson). La volonté de faire des disques studios identiques aux concerts est dépassée, le groupe comprend qu'il peut complexifier sa musique tout en restant intègre à son discours. Le son est meilleur mais malgré tout la production n'est pas encore à la hauteur des compositions. Pourtant c'est un disque d'un seul bloc, sans fausse note, à l'identité unique.

Et puis il y a un titre magique, Celebrated Summer. En quatre minutes, tous les étés qui sonnent encore comme des vacances scolaires sont résumés, avec l'hiver très adulte qui pointe lors du pont, étrangement acoustique et calme. Quiet / Loud, la recette des Pixies et de Nirvana... Même s'ils avaient trouvé la bonne formule avec ce New Day Rising, les membres d'Hüsker Dü avaient compris que le rock devait rester adolescent. Ce qui manque cruellement de nos jours, tant le rock sonne adulte, ennuyeux, raisonnable, professionnel. Je vais encore attendre quelques étés avant de me mettre à Alt-J je crois.