mercredi 24 septembre 2014

Rock singles

Oh yeah !

45 tours rock n'est pas une bd classique et sera peut-être suivie par d'autres tomes. Elle est signée Hervé Bourhis.

Mes Gaston Lagaffe ont vécu, ils tirent la tête, déchirés, trop utilisés, trop lus, mais je n'en changerai pour rien au monde car ils ont bâti mes fondations.

J'ai vu qu'ils étaient réédités par thème, notamment celui sur la musique. Dans la préface, Antoine de Caunes y sort une évidence que je n'avais jamais remarquée : Franquin avait fait entrer, par le biais du Gaffophone et des diverses formations musicales que Gaston tentait de mettre au point pour des résultats constamment catastrophiques, le rock dans la bd.

Sa part la plus importante en tout cas : l'esprit de rébellion, d'insouciance et de non-conformisme, son hédonisme, son partage.

Une certaine nostalgie sensorielle

Les liens entre bds et rock sont nombreux, et bien que ce soit mes rares centres d'intérêt (le sexe, la bouffe et les sciences n'émergeant que de ma partie animale), je n'ai malheureusement pas une culture assez étendue pour en tracer un historique.


Après tout, les pochettes de disque, même quand elles ne sont pas dessinées...


Les pochettes de disque faites par des dessinateurs reconnus sont légion (Cheap Thrills en est l'exemple parfait, la pochette de Crumb valant à elle seule l'envie d'acheter le vinyle) et les magazines de rock se sont toujours échinés à produire quelques bds dans leurs pages, la plupart du temps en détournant des stars pour en faire des héros de bd (comme Les Closh de Rock & Folk - ou était-ce Best ?). 

 ...peuvent ressembler à une histoire séquentielle.



Et bien sûr, les affiches de concert sont une grande page pleine de promesses de liberté pour un auteur de bd.

Ces liens se multiplient ces derniers temps, des concerts-bds voient le jour, et les ouvrages mixant les deux mondes apparaissent sans cesse.


Fiche technique et planche ludique


Je citerai les inégaux Rock Strips qui donnent le point de vue de nombreux auteurs (d'où l'inégalité) sur un de ses groupes fétiches et le récent Liverfool qui illustre les Beatles d'un point de vue inédit.

Alors que Le petit livre rock proposait un format de 45 tours pour intégrer des anecdotes retraçant tout le rock depuis ses débuts, ce 45 tours rock prend les atours d'une classique bande dessinée franco-belge pour rendre hommage à des chansons remarquables.


Des petites histoires qui donnent le ton et l'époque

Un 48 pages cartonné couleurs regroupant non pas un gag par planche mais un 45 tours par page, avec une trame constante : titre, pochette, fiche technique, description et zones variables.

J'aime beaucoup celles nommées "C'est quoi le rapport ?", puisqu'elles lient la chanson à un autre groupe, un autre titre, pour donner un point de vue complémentaire.



L'ordre alphabétique des titres, pas des artistes, et des reproductions de pochettes fidèles et fascinantes.

 
Deux éléments constants expliquent la réussite qu'est 45 tours rock. Tout d'abord la précision des informations, l'érudition maniaque de Hervé Bourhis envers ces objets, ainsi que la concision avec laquelle est décrite la chose la plus indescriptible : la musique.

Television a effectivement fait le solo de rock le plus échevelé, Elliott Smith est un des meilleurs enfants de Big Star, etc etc etc... 




Vous les avez reconnus ? (tiré du Petit Livre Rock du même auteur)

Le second élément consiste dans l'intention inverse à Franquin : faire rentrer la bd dans le rock. Car tout est sérieux ici, tout est vrai, tout est vécu.

Mais tout est dessiné et redessiné, et les quelques strips imaginant les rockers (comme le renvoi de Brian Jones des Rolling Stones) servent uniquement de décompression, comme la blague que le prof de maths lâche une fois par heure si il est sympa et s'il veut garder l'attention de ses élèves.

C'est une chouette idée. Si tous les groupes suivaient Gorillaz (auteur : Jamie Hewlett) et abandonnaient l'envie de se montrer pour être représentés réellement par des dessins aussi réussis, on aurait moins de modes idiotes, moins d'icônes en carton, et des supers posters.

lundi 21 juillet 2014

The songs of retrieved innocence



Voyage en Italie, classe de quatrième. J'ai une cassette compilant les tubes du moment, surtout en Français. Notamment la terrible Thaï Na Na de Kazero. Mais deux titres retiendront mon attention : C'est comme ça des Rita Mitsouko et Duel au soleil d'Etienne Daho.

N'ayant malheureusement pas, à l'époque, la culture de l'album, j'ai perdu l'occasion de m'offrir Pop Satori. C'est-à-dire beaucoup de temps perdu, de discussions ratées et de situations qui auraient pu changer mon histoire. J'en ai presque des regrets, à bien y penser. Et puis les Rita étaient plus rentre-dedans, quand même (et leur clip de C'est comme ça est toujours super).

Alors qu'en fait, sa musique marie la pop anglaise à la variété française, mais une variété constante de bon goût. Daho, c'est à la fois le Bowie et le Springsteen français : un dandy élégant d'abord et avant tout fan de rock, et un fer de lance national qui ne veut jamais se répéter d'album en album, tout en gardant une intégrité.

Daho a commencé avec l'électronique, le son des années 80. Mais pour y placer des chansons pop mélancoliques aux mélodies inédites. Avec la sortie de La notte, La notte..., son second album, la critique a été visionnaire : "Daho est de la trempe des grands, le genre d'oiseau au-dessus de la mêlée, de ceux qui font une carrière et accompagnent une vie." (dans Best) / "Un succès qui vient casser les cloisons imbéciles." (dans Rock and Folk).

Car ses chansons, une fois remixées, deviennent des tubes hédonistes de discothèques, étrange destin pour des ritournelles censées traduire un certain désarroi de la jeunesse (il faut souligner que les lignes de basse sonnent toujours bien, c'est plus simple pour la transition). "Pour te voir, cinq minutes encore, à Sable d'Or près des dunes" (Tombé pour la France) : le tableau est parlant mais concis, il en cache beaucoup mais l'ambiance est saisie dès le stade de l'adolescence. Forcément, ça touche. Il joue moins avec les mots comme pouvaient le faire Bashung et Gainsbourg, mais ils deviennent tous poétiques dans sa voix discrète et douce.

Puis Daho a suivi les modes des productions sans jamais se départir de ses visions, et aboutit trente ans après La notte... aux Chansons de l'innocence retrouvée. De deux choses l'une : soit l'innocence a été perdue il y a bien longtemps, avant même d'écrire des chansons, soit elle n'est jamais partie, tant le disque semble couler de source. Le single La peau dure et son entêtant riff de guitare sur trois cordes rappelle les La's et la pop "twee" anglaise de Belle & Sebastian. Mais ici, une fois encore, les paroles n'ont rien de naïf.

Aucun titre ne démérite, tous se disputent la première place. Evidemment, les participations de Dominique A. et de Debbie Harry (de Blondie...) boucle le sujet, ces chansons sonnent méchamment rock. Mais globalement un rock noir et blanc de chez Stax, comme Bowie voulait le copier dans Young Americans. Avec des cordes, aussi (cf. Spector, Françoise Hardy, Swinging 60s, Blur, To The End).

Ce disque n'a pas de genre, il les mélange tous, et tous peuvent l'écouter en y prenant plaisir, le fan de Goldman comme celui de Bowie, celui de NTM comme celui de Metallica. A condition de retrouver l'innocence qui abat les murs de l'enfermement volontaire.




jeudi 26 juin 2014

Incluant "Oiseaux"


En musique, il ne faut jamais rester sur des a priori. Lorsque j'ai découvert Featuring "Birds", c'est un album que j'ai trouvé très sympa. Puis je suis passé à autre chose.

Je n'ai donc aucune explication satisfaisante pour l'amour que je porte désormais à ce disque. Il ne m'a pas fallu beaucoup d'efforts, une simple réécoute a changé mon fusil d'épaule. Peut-être était-il mieux tombé, peut-être que son ambiance joyeusement pessimiste me parlait plus.

Quasi est un pur produit de rock indie, formé par un ancien couple à la ville, Janet Weiss (batteuse des furieuses Sleater-Kinney) et Sam Coomes (guitares et claviers de Heatmiser, où sévissait également Elliott Smith), débutant dès 1993 dans leur banlieue de Portland. Featuring "Birds" est leur second disque pour le label indépendant Up Records de leur ville, enregistré et diffusé en 1998.

Oui, ça remonte, mais il n'est jamais trop tard pour la découverte. Imaginez, je suis nul en Megadeth, en Creedence Clearwater Revival, en Charlie Mingus et j'en passe.

Sur la forme, c'est forcément un peu brouillon, un peu vaporeux, un peu bruyant ; on est chez les indés. Mais cela n'a pas d'importance, c'est sans doute même l'objectif. Surtout qu'avant les guitares, c'est le clavier qui prédomine. Un clavier qui sonnerait comme un clavecin des années 60 et épaulé par une batterie virtuose. Le jeu de batterie de Weiss me ravit, et c'est sans doute une des raisons pour laquelle j'aime autant ce disque (pour d'autres batteuses ravissantes, voir Prince, Lenny Kravitz et Helms Alee, entre autres).

Le tout est résolument pop et enjoué. La marque de fabrique de Quasi, c'est peut-être de ne jamais commencer un morceau tel qu'il finit, mettant toujours en danger les idées développées, ne cédant rarement qu'au couplet-refrain. La voix de Coomes transpire l'humilité, reste un poil nasillarde et toujours dans les hauteurs, mais pas autant que Sting ou Daniel Balavoine.

Sur le fond, c'est très drôle. Car très déprimé. L'exemple le plus flagrant de cette scission antinomique apparaît au début de la chanson California : quelques lents accords de clavier accompagnent l'assertion "La vie est idiote et grise, au mieux elle est à peine correcte, mais je me réjouis de vous annoncer que la vie est également courte" avant d'exploser en hymne de terrain de basket, limite foire (mais on est pas chez les Dresden Dolls quand même), où il est question d'être content d'être en Californie et de déconner avec les touristes.

Toutes les paroles sont de cet acabit. Il suffit de lire les titres. On commence avec "Notre bonheur est garanti" pour terminer par "Seul le succès pourrait maintenant me faire échouer". Mais dans la joie, on valse même en chantant "You Fucked Yourself", on croone sur l'abandon total de "I Gave Up", qui se clôt trop abruptement pour ne pas faire sourire. Ce bonheur aliéné n'est interrompu que par deux minutes de réels chants d'oiseaux, le "Birds" du titre de l'album.

Par contre je m'interroge toujours sur la nature de cette pochette, de son but final. Une timbale chinoise cérémoniale destinée à contenir du vin (jusqu'à la lie ?). Quasi semble en tout cas avoir trouvé la solution à la frustration quotidienne et aux grands obstacles de la vie (rupture, maladie...) : la transcender par de la musique rythmée et des chants communicatifs. Comme dans une comédie musicale.



lundi 23 juin 2014

Faune siffleur, es-tu le destructeur ?


Ils ont toujours existé, mais j'ai l'impression qu'ils sont de plus en plus nombreux : les artistes multi-instrumentistes seuls maîtres à bord et auto-producteurs ont pas mal percé dans les années 2000. Avant, il y avait Elliott Smith, Prince, Beck, même Stevie Wonder. Et puis sont arrivés les Conor Oberst (plus connu avec son groupe Bright Eyes), Andrew Bird, Sufjan Stevens et Kevin Barnes de Of Montreal. Il doit y en avoir moult autres.

Notez bien que ce n'est pas un groupe canadien, mais de Athens en Géorgie, berceau des romantiques R.E.M. Tout comme ses collègues cités plus haut (jetez donc une oreille à Illinoise de Sufjan Stevens, c'est un excellent disque), Of Montreal partage cette pop alambiquée et musicalement riche, que ce soit en nombre d'instruments ou en arrangements, cherchant sans cesse à ajouter des couches partout, à rallonger les titres des chansons (exemple : le premier single s'appelle "Heimdalsgate Like a Promethean Curse", mais son refrain qui enchaîne le même mot 'chemicals' est plus facile à retenir ; oui, cela parle de médicaments), à enchaîner les morceaux sans bouffée d'air possible.

Et pas seulement les titres, mais également les albums. Hissing Fauna, are you the destroyer ? est le huitième album de Of Montreal, et il date de 2007. Depuis, ils en ont sorti cinq autres ainsi qu'un recueil de premiers titres. Pour illustrer cette foisonnante activité, les pochettes et les présentations des disques suivent le mouvement : dessins baroques surchargés de détails, colorés, rappelant les hippies, le psychédélisme des années 60, le rococo. Bref, ça déborde à tous les niveaux.

Il faut donc un certain temps pour s'habituer à cet univers chamarré, mais Hissing Fauna fait un peu exception : l'album est plutôt sombre malgré ses refrains endiablés et son rythme trépidant que rien n'arrête (quasi impossible de couper le disque une fois lancé, tout s'enchaîne trop vite), arrivant dans une période de dépression de Kevin Barnes, sa pochette est surtout noire, et le titre pivot de onze minutes rappelle Kraftwerk, de l'electro martiale et répétitive. Malgré tout, la voix ne peut pas se transformer à ce point, et la chaleur et la détresse qui en suintent n'ont jamais la noirceur de la cold-wave. La suite ressemble par moments à du Prince. J'adorerai mettre certains passages pour faire danser les foules.

Comme toujours lorsque je me sens blasé de tout, un objet unique apparaît, et même s'il appartient à un monde nouveau et déjà fourni qui m'est totalement inconnu, il ouvre des perspectives, comble des creux, ose les influences passées sans honte. Le rock est vieux et je me dis presque quotidiennement qu'il est mort, mais il renaît trop souvent pour qu'il ne continue pas malgré tout. Peu importe sa simplicité, il peut se métisser à l'envi. Il mute, il évolue, comme toute forme de vie.




mardi 17 juin 2014

Voyeur


Tous les ans c'est la même chose : qu'est-ce qu'on prend comme disques pour les vacances ? Ayant depuis longtemps perdu l'habitude d'être au fait des nouveautés et des nouveaux groupes, c'est souvent l'occasion de redécouvrir un vieux disque oublié et/ou de reprendre des valeurs sûres qui accompagneront les longues heures coincées dans le traffic routier, les gares bondées, les aéroports non climatisés et autres joyeusetés du trajet. C'est qu'il faut aussi tenir les bêtes des sièges arrières, les intéresser et les détendre. Dur.

Comme beaucoup d'autres, Mike Patton a rythmé ma vie (souvenirs émus de l'achat de Angel Dust à sa sortie) et comme c'est un boulimique qui ne s'arrête à aucun style musical ni défi (chanter avec Björk, ah, bonne chance !), il ne cesse de produire des projets divers, de multiplier les collaborations, d'ouvrir les champs d'investigation de ses chants.

Car Patton veut tester la voix dans toutes ses limites. De l'extrême Fantômas au rap des X-ecutioners, du chant italien de Mondo Cane à la bande originale de Crank, ce qui forcément rayonne entre le très bon et le bof.

Peeping Tom (qui signifie "voyeur" en langue anglaise, j'ai du mal à comprendre l'origine de ce mot, en tout cas je le trouve nettement plus réussi que son homologue français) est tout à la fois un disque, un groupe et un projet. Sorti par son propre label Ipecac (le nom d'un puissant médicament vomitif), Patton pousse la présentation même du compact-disc dans une forme inédite, où la languette à droite ouvre un tiroir à gauche pour nous dévoiler un oeil masculin au centre du trou de la serrure.

A part son nombre de titres (onze) et sa durée (courte), Peeping Tom ressemble beaucoup à un disque de rap des années 2000 : uniquement des collaborations à chaque titre, des invités prestigieux (Massive Attack, Norah Jones, et même Bebel Gilberto pour une bossa nova torride), une ambiance de fête, de grosses basses, des insultes et des insanités (sussurées par Norah Jones, c'est encore meilleur), des titres courts faits pour le dance-floor des boîtes de nuit d'Ibiza.

Sauf qu'évidemment, je suis presque absolument certain qu'aucun titre sous cette pochette ensoleillée soit passé à Ibiza. Il faut dire que tout le milieu du disque est joyeux et drôle, chanté, plein de gimmicks de DJ. Mais le premier et le dernier titres ont de fortes reminiscences de Faith No More, et derrière une basse funky pointent soudainement des guitares branchées sur des amplis à lampe de 300 Watts.

Peeping Tom a un frère jumeau, un disque qui m'a très longtemps obsédé, et qui est lui-même un disque d'été, un disque solaire, langoureux ou enfiévré : California de Mr Bungle, autre groupe phare de Mike Patton. Finalement, pour les prochaines vacances, je vais prendre les deux.