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lundi 14 février 2011

L'âge des bizarres


Il existe des mots que je déteste. Pour diverses raisons : parfois à cause de leur sonorité, parfois leur orthographe, parfois leur sens. "jargon" fait partie de la dernière catégorie. Il induit forcément une exclusion, ce qui est dommage. Même si le jargon est pratique. Dans le vaste monde du rock, il suffit de dire Kid A pour résumer un disque qui prend à contre-pied l'album précédent du ou des mêmes auteurs et qui a intégré des sons électroniques. On devrait faire un dictionnaire du rock, tiens. Ah mais non, je suis bête, il existe déjà. Quoique, celui-ci ne doit pas référencer les tics de langage des critiques.

Parce que le problème vient de là, Lou Reed vous le dira : qui voudrait être un critique ? Chaque critique est un artiste frustré, c'est comme ça. Chaque critique aurait aimé être écrivain, cinéaste, chanteur, guitariste, batteur, leader charismatique adulé, chef d'orchestre, génie. Comme tout le monde.

Et comme tout le monde, le critique peut céder à la facilité (et c'est pas moi qui vais lui jeter la pierre). Ca se reconnaît car dans ce cas, il utilise son jargon : une galette est un disque, un Kid A je l'ai déjà dit, un opus est un album, une tuerie est un très bon titre ou disque, un album est soit facile soit difficile d'accès, les sirènes sont forcément commerciales etc etc etc. Liste presque infinie.

Ces tics reviennent souvent lorsqu'on se renseigne sur le nouveau disque de Sufjan Stevens, The Age of Adz. Cela se comprend aisément. L'objet est hors-norme, consciemment, comme tout ce qu'a fait ce jeune prodige surdoué de Stevens jusqu'à maintenant. De la pochette en chantier à la musique grandiloquente et noyée d'arrangements, tout est fait dans l'excès. Sauf le nom des titres, anormalement courts si l'on se réfère à son précédent album, Illinoise. Cela se termine avec vingt-cinq minutes qui aimeraient résumer les cinq ou dix années précédentes. On y trouve même de l'auto-tune, rendez-vous compte, cette horreur que le tout-vendant actuel use à outrance, de Kanye West à Daft Punk. Une totale faute de goût, dans le principe.

Mais ça passe. Parce que si vous tenez les quarante minutes précédentes, pourquoi vous ne tiendriez pas sur cette incongruité ? Comme tout petit génie déjà reconnu et adulé, il peut se permettre de jouer avec ce qu'il veut. Donc soit cette surenchère passe et est saluée comme une prise de risque (ce qui ne semble pas du tout être le cas), soit elle agace et provoque une indigestion bien compréhensible. N'allant jamais plus loin que son propre savoir-faire, Sufjan Stevens multiplie les couches et les idées, mais pour lui uniquement. Avec un indéniable talent parfaitement addictif pour tout amateur de Kate Bush et de Björk, il emballe ses grandeurs dans une pochette qui rappelle Metropolis, Can, le rétro-futurisme de Sky Captain and the world of tomorrow, et fait référence à la SF des années 60 ("The Day The Earth Stood Still"). Comme une blague, comme une musique déjà dépassée. A l'instar de Bob Mould dans les années 80 et des Pixies dans les années 90, Sufjan Stevens propose la revanche des nerds des années 2000.

The Age of Adz n'est donc pas le fruit d'une erreur, d'un changement, d'un accident, mais est bien un laboratoire autant qu'une vitrine. Les paroles de conclusion sonnent la fin de la joyeuse expérience dont nous fûmes victimes, comme nous l'étions des épisodes de Twilight Zone ou de Au-delà du réel : "Boy, we made such a mess together".

vendredi 11 décembre 2009

Tout nu et botté


J'ai déjà parlé du leader Buzz Osborne des Melvins, ici, et si vous aimez les manèges à sensations et la saturation, je ne saurai que vous conseiller de vous ruer sur son groupe originel et culte (The Melvins, donc). Groupe très productif et toujours très confidentiel malgré ses vingt ans et des poussières de carrière, car n'ayant jamais émis la moindre concession. Entre expérimentations sonores à la limite du supportable et métal joyeux, entre country pour rire et riffs décalés, le tout sous une chape de plomb-marque de fabrique, on a toujours fait ce qu'on a voulu, chez les Melvins. Même si finalement, leur son est reconnaissable immédiatement et qu'à la suite de sorties incessantes d'albums, leurs morceaux semblent être toujours les mêmes, les idées tombent rarement à plat. La preuve dans ce Nude With Boots de 2008, ni le meilleur ni le pire, juste un bon disque qui propose l'avantage d'être assez simple d'accès. L'âge, sans doute. En tout cas, un bon début pour s'initier.

Folle de rage de les avoir loupés aux Eurockéennes de Belfort suite à une programmation défaillante, la groupie hystérique en moi ne rata pas l'occasion de courir les voir dans une petite salle où à peine deux cents personnes s'étaient déplacées pour l'occasion. En première partie, Porn, un groupe français que je ne connais ni d'Eve ni de Rocco, et sur lequel je vous invite à faire des recherches vous-mêmes, car je n'en ai franchement pas le courage, là. Du coup, je n'ai vraiment pas compris qui étaient les membres de cette première partie muette mais sonique. Un type entre en scène, enfile une guitare, se place devant une console et commence à triturer moults boutons et potentiomètres, ce qui nous gratifie de serpents dignes de Jesu, vire psychédélique, et dure un bon quart d'heure. Sur quoi arrivent un bassiste et deux batteurs, dont Dale Crover, la machine métronomique pleine de technique des Melvins. Ah ? Sympa, hé. Surtout que ça tombe bien : les deux batteries sont au milieu de la scène et partagent des cymbales. Crover est droitier, sa batterie est à gauche de la scène, tandis que son comparse est gaucher, son kit à lui est donc à droite. Et ils jouent de concert (huhu). Ou se partagent les tâches. Ca tabasse sec après une intro pleine de coups feutrés sur les cymbales, partis pour deux fois vingt minutes de métal basique mais planant : la répétition et les serpents tournoient dans l'air. Ca commence bien, même si personne ne cause. Pause.

Puis arrive King Buzzo (à un mètre de moi, je souris bêtement béatement), encore plus gros, sa tignasse grise toujours folle, drapé d'une robe de bure noire ornée d'un étoile entre les pieds, sa guitare entièrement argentée tranche dessus. Dale Crover reprend sa place. Et sans pédales d'effet ni archet ni jeux de lumière clinquants, les Melvins canal historique singent les White Stripes ou les Black Keys en enchaînant une dizaine de titres très courts, se partageant même le chant. Rigolo. Mais bon, manque le son, quand même. Manque la lourdeur. Mes craintes disparaissent lorsque le second batteur revient (mais est-ce le même ?), affublé d'une robe hindoue, accompagné d'un autre bassiste perruqué barbu à chemise hippie. Et c'est reparti pour une petite vingtaine de minutes de tabassements. Et nom de dieu ce que ça joue, ça aligne les breaks pas évidents et les ambiances poisseuses, ça improvise aux batteries pour enchaîner les titres, les quatre zouaves alignés chantent tous, transpirent tous énormément, mais jamais ne semblent s'ennuyer. Puis Buzzo lance "We'll be right back". Pause deux.

Retour des quatre mêmes, cinquante nouvelles minutes de titres assemblés comme des Lego, aucun temps mort, juste un arrêt pour que nous chantions tous un joyeux anniversaire à Garreth (je crois), le roadie, attrapé et jeté par terre par le hippie alors qu'il venait de se faire piéger par le bassiste (c'est le même pour ceux qui suivent pas) qui avait soi-disant un problème d'ampli. Car oui, on sait aussi rire chez les Melvins. Ca se termine sur une impro à deux batteries, pas d'embrassades, pas d'adieux déchirants, pas de ce n'est qu'un au revoir, juste un peu plus de deux heures trente de sons. Pour vingt-deux euros (je balance, ouais, parfaitement). J'ai peut-être bien fait de les louper aux Eurocks finalement. Et pour finir, une phrase à cliquer pour avoir une idée de ce que je viens de relater.



mardi 20 janvier 2009

Chahuuut de rue


Souvent, les disques obscurs promettent de belles surprises. Impossible de rentrer dedans mais quelque chose d'indéfinissable retient l'attention. Peut-être le son, ou certains enchaînements, ou des harmonies inédites, en tout cas, un détail. Ou l'ambiance générale. Mystère. A l'opposé, les disques immédiats promettent de belles déceptions. Ce n'est pas toujours le cas, bien sûr.

Et puis il y a ce Street Horrrsing, première oeuvre d'un duo que je qualifierais aisément d'expérimental. Immédiatement accrocheur malgré ses préceptes étonnants. A savoir : de la musique électronique instrumentale comportant un minimum de variations et de changement d'accords, de longues nappes tantôt éthérées tantôt bruitistes (j'ai lu le mot "drone" quelque part), des percussions sourdes toutes droit sorties d'une jungle africaine et des cris étouffés pompés sur le pire disque de black-metal existant. Vlà le mélange.

Cela semble improbable, pourtant ça marche. Mieux que ça : j'en redemande. Car malgré le peu de changements, les mélodies existent et gagnent en force grâce à leur rareté. Elles deviennent évidentes, de cette évidence qui pousse à l'interrogation (pourquoi j'ai pas entendu ça avant ? POURQUOI ??). Au lieu d'insérer un titre caché en fin d'album, après une minute ou une demi-heure de blanc, les Fuck Buttons ont créé l'ultime morceau fantôme, celui qui chapeaute les autres, qui n'existe qu'à la septième ou dix-neuvième écoute, qui ne peut être découvert qu'après une initiation dévote et dévouée. La marque des grands comme on dit.

Et comme le plus simple est encore d'en avoir un aperçu, rien de tel qu'un petit lien.


mercredi 3 décembre 2008

Rue Murray



Il faut que je range mes disques. C'est la bonne période : il fait froid, il pleut, il neige, il gèle, personne n'a envie de sortir, il fait nuit tout le temps, y a plein de lumières agressives. Ca me permettra de regarder l'important en face, de nous retrouver, eux en tas (je n'ai plus de cartons) et moi essayant de les caser. Et puis c'est l'heure des bilans, or celui-là, je ne l'ai pas fait depuis longtemps, même si je le connais et l'appréhende : que du classique. C'est aussi l'heure du changement, autant chambouler l'ordre alphabétique et séparer les torchons des serpillères, ô fière audace, je vais te faire descendre de ton piédestal. Je vais faire un classement subjectif.

Par exemple, lorsque un artiste ou un groupe chéri aligne toutes ses galettes à la maison, je me rends compte que tout n'est pas bon. Sur la fin, souvent - mais pas systématiquement, je déteste les généralités - ça boudine, ça répète, ça baudruche. Et puis tous ces disques très bien qui ne comptent pas dans ma vie, à moi, la mienne, ma vie, mon histoire, alors que ce disque là, unanimement honni, ou ignoré, ou moins bien noté par les spécialistes, l'accessoire, le trivial, lui, il a compté, il compte encore, je dois le bannir aussi ? Le noyer à côté des albums fréquentables - ceux qui parfois ne comptent pas -, le rabaisser ? Il a le droit de parader fièrement, il n'a pas à rougir. Ca, ça va être du classement révolutionnaire.

J'imagine mal séparer mes Sonic Youth. D'abord parce que je suis loin de tous les avoir, et ensuite car je ne les connais que peu. Pourtant je les ai écoutés, et plus d'une fois. Et plus de dix fois. Seulement, lorsque des types pas sexy (quoique Kim Gordon... bref, passons) à tous points de vue, aucune attitude, aucun look, aucun gimmick, arrivent avec une nouvelle grammaire musicale, et bien il faut se déshabiller, se mettre à nu, redevenir vierge. Présenter son humilité sans être humilié, puisque sonique convient, puisque la recherche s'apparente aux serpents du jazz mais dans l'esprit uniquement, et non dans la technique de jeu. Dans l'abandon.

J'aime beaucoup ce Murray Street. Il est court, il n'a que sept titres, il représente bien le groupe : audible et mélodique mais aussi terrifiant et inquiétant. Je l'ai beaucoup écouté, et je ne le connais toujours pas. Je sais juste que lorsqu'il va tourner, il va me plaire, mes oreilles vont fondre, mon esprit vagabonder, les nuisibles vont disparaître. Je ne connais aucune parole mais je suis sûr que quelque part, on peut entendre distinctement Thurston Moore dire combien il se fout de ce que pensent les rock-critics, que ce soient les fans ou les moqueurs ; on peut les voir accueillir l'ami Jim O'Rourke à bras ouverts, on peut sentir les tasses attendant sagement sur les amplis, on peut deviner le nombre de disques qu'ils doivent ranger après l'enregistrement : au moins cent fois plus que chez moi. Ca ne pose pas de problème. Ces cinquantenaires seront éternellement jeunes.



jeudi 16 octobre 2008

Boeufs


Souvent, bien trop souvent, le rock manque cruellement d'une distance qui éviterait de lui gonfler la tête et les chevilles : l'humour. Et je ne parle pas de la pléiade de groupes "festifs" qui prennent au sérieux leurs blagues de potache, niveau zéro degré, ou, pire, leur soi-disant engagement anti-mondialisationflicagecapitalisme. Si Zappa a toujours scruté le reste de la production d'aussi haut, c'est qu'il avait aussi ce don de se moquer de lui-même, de proposer des titres salaces qui ne manquaient jamais de mises en scène flamboyante, de faire de ses concerts garantis sans aucun trucage des spectacles vivants et interactifs ; de laisser l'imprévu débouler.

Comme Shellac, Oxes partage cet humour et cet humilité qui ne les rendent que plus sympathiques. Comme Shellac, ça fonce dans la destructuration, dans le strident, dans le groovy expérimental, le moitié imprévu, moitié prévu. Sauf que c'est deux guitares et une batterie sans personne pour y chanter quoi que ce soit. Pour quoi faire ? Des boeufs, donc, (oxes), qui affirment "Ta rue contre Wall Street" (Your Street vs. Wall Street), pas la peine d'aller plus loin, on a compris, comme le miroir en couverture. Regardez-vous, vous, les boeufs encravatés.

Décrassage d'oreille, aucune pose, aucune affiliation, invention de termes tels que math-rock pour pouvoir parler de leurs productions, voilà ce que veulent Oxes : dérouter. Et bien, j'y retourne avec joie. Et bonne humeur.

Et là, il faut leur MySpace, coco, obligé.


mardi 5 août 2008

Mille douleurs



Tout amateur de rock connaît Steve Albini (au moins de nom, allez). Producteur entier et sans concessions, enregistrant toutes ses sessions live, il a apposé son nom à nombre d’albums références sortis durant les années 90. Voilà pour le côté face, celui du C.V. et des relations de boulot.

Comme souvent, comme pour les collègues, le côté pile se révèle bien plus intéressant. Car Albini a bien évidemment monté ses propres projets, qui ne ressemblent que de loin aux groupes dont il a façonné le son le temps d’un album. Pas de merchandising en concert, un humour à toute épreuve, des besoins logistiques minimaux (deux amplis à lampe, une basse, une guitare, une toute petite batterie, deux micros, en gros), aucune gestion de l’image (y compris pour les fringues), une distribution confidentielle des albums (leur premier, At Action Park, n’étant pressé qu’en vinyle lors de sa sortie), mais surtout, bien sûr, une musique hors normes.

C.V. musical de Shellac : une batterie métronomique et puissante, des riffs de basse saturée hypnotiques mais néanmoins dansants, une guitare libre et grinçante, un chant parlé la plupart du temps, des titres courts. Cf. Joy Division, Fugazi, Melvins, punk, hardcore.

Ce serait encore oublier le côté face. Les titres peuvent s’allonger, les cordes dissoner à la limite de l’audible, la structure se perdre. Puis la combinaison des trois s’érige en mur sonore, tangue, applique son vernis consciencieusement avant d’entrer dans le sujet. Cf. Slint, Sonic youth, les quatre premiers The Cure.

Mille douleurs, parce qu’il faut bien commencer. Avant de foncer sur leurs trois autres disques, 1000 Hurts propose un condensé de toutes les faces de Shellac, avec titres accrocheurs à la clé. Ca aurait pu être le début de la fin. Mais non. Ce n’est que le début de la reconnaissance de Shellac, et non plus du-groupe-de-Steve-Albini, aux albums désormais faciles à se procurer. Je vais peut-être pouvoir trouver un T-shirt.



jeudi 31 juillet 2008

Menteurs


Je n'avais pas suivi Liars depuis leur premier album en 2001, enregistré en deux jours et se terminant sur une piste d'une hypnotique demie-heure, circulaire et répétitive. Apparemment, ils ont depuis transgressé les limites, deux fois, dans des albums difficiles d'accès.

Or rien de tout ça ici. Le trio se fait plaisir : il joue. Il se la joue tour à tour punk, Beck, Jesus & Mary Chain, pour conclure par un piano envoûtant et plombant, gluant comme un espresso trop matinal. Le temps que la caféine fasse effet, l'album est terminé, hein, j'ai pas compris, pourtant il me semblait bien avoir entendu un truc pêchu au milieu - bon je le remets. Reparti pour 43 minutes.

Loin des constructions alambiquées, le disque dégage pourtant un malaise palpable, la patte des Liars, habiles à plonger leur auditeur dans leur univers pourtant varié. Par moments l'hypnose reprend ses droits, à d'autres ce sont les guitares crunchy propices aux déhanchements (ou aux détêtements si on est assis), parfois le décor disparaît. J'étais bien en voiture ou je suis chez moi, déjà ?

Liars. Evidemment. Ils triturent les esprits avec candeur, et sous les formes classiques de ces nouvelles compositions, leur assemblage ressemble à une peinture de M.C. Escher : simple, claire, normale. Et pourtant impossible. Une piste m'était même offerte, en gros, sur la pochette, avec ce plafond transformé en sol. Depuis, j'essaie de trouver la clé de cet édifice trop propre sur lui. Pauvre de moi.


mercredi 30 juillet 2008

Animation suspendue


Les quelques instants qui séparent la prise en main de la lecture de ce disque ressemblent étrangement, même pour le plus aguerri des amateurs de Mike Patton, à ceux qui précèdent la roulette du dentiste, alors que le patient est sommé de se détendre dans un fauteuil toujours inquiétant. Offert et sans défense, pire que tout : consentant. Il a beau y être préparé et même – pour les plus tordus d’entre nous – heureux de s’y mettre, il le sait : ça va faire un peu mal. Puis passent les deux premiers titres, qui ne totalisent pas plus de quatre minutes de mise en bouche, arrive le 03 avril (parce que j’ai oublié de vous dire, chaque morceau porte une date du mois d’avril 2005, ne me demandez pas pourquoi, ces artistes et leurs concepts étranges), c’est le moment de se rincer, de laver les affronts subis, pour mieux y retourner. Consentant mais désormais éprouvé, l’auditeur peut enfin s’abandonner et apprécier.

Enfin, apprécier, bien sûr, mais seulement s’il a assez d’ouverture pour ingurgiter ces trente courtes pièces qui mélangent métal et bande-son de cartoons (période Tex Avery en forme). Courtes, mais aiguisées, ciselées, pensées, en un mot : professionnelles. Buzz Osborne, le guitariste de ce super groupe ici présent que j’ai également oublié de nommer, à savoir Fantômas (super groupe car composé de super musiciens venus de super autres groupes), donc, Buzzo, qui n’est pourtant pas le genre de guitariste à craindre la première tentative de déconstruction enregistrée venue, a lui-même failli fuir la salle d’attente de l’enregistrement de ce Suspended Animation. Grand perfectionniste, Patton a constamment remis ses idées sur la sellette, pour aboutir à l’opposé du précédent album, ce Delirium Corda, tout aussi extrême, composé d’une angoissante piste atmosphérique de cinquante-cinq minutes.

Et puisque l’album forme un calendrier, autant l’illustrer. C’est le talentueux Yoshitomo Nara qui enveloppe ce travail de longue haleine, réussissant pour la première fois à ôter le noir d’une pochette de Fantômas, rendant très justement la gaieté relative du contenu. Sorti du fauteuil inquiétant, après avoir été malmené joyeusement par de petites lames roses et vives comme Beep-Beep (pardon, le Road Runner), l’auditeur se trouve requinqué. Ou cotonneux. Tout dépend de son adaptabilité.