Cadeau d'anniversaire, je suis allé à Werchter, qui se trouve au nord-est de Bruxelles, vendredi 28 juin 2019. Rock Werchter est un festival qui existe depuis 1974, c'est dire si les gars s'y connaissent en organisation. Et on peut le dire, c'est hyper bien organisé. Malgré la populace, je n'ai jamais fait la queue plus de trois minutes pour choper une bière ou une frite (et ce même pour quatre bières ou quatre frites). Et pourtant, on devait bien être 80 000. Ce qui est étonnant, c'est le faible nombre de scènes : il n'y en a que quatre. La plus grande (Main Stage of course) peut être vue par tout le site, la seconde (The Barn) peut accueillir 10 000 personnes. Vous avez accès au wi-fi, à des casiers, les gens sont souriants (ce sont des Belges) et l'ambiance est incroyablement détendue. Pas un seul incident de toute la journée, pas un mec lourd, juste de la rigolade et une chaleur de plomb.
Comme toujours désormais, il n'y a plus trop de place pour l'improvisation et l'à-peu-près. Le son n'est jamais agressif, ni trop fort ni pas assez. Les concerts durent pile les heures de programmation et tous les artistes sont hyper pros. Si vous cliquez sur les noms, vous pourrez voir les setlist des groupes et artistes.
Weezer ont perdu leur mojo. Malgré l'alignement de tubes tirés des premiers et troisièmes albums (mais c'est le second le meilleur), personne n'y croit. Même sur The Good Life, on a l'impression de voir une copie toute propre sans rature. La dégaine de Rivers Cuomo, ses sempiternelles lunettes à grosse monture sorties des années 60, est rehaussée d'un bob de couleur indéfinie, ce qui lui donne un air de Woody Allen : triste. Seules les reprises des tubes des années 80, qui constituent l'essentiel de leur dernier album, donnent un peu à sourire.
Je ne connaissais pas Janelle Monae. Elle fait principalement de la funk à la Prince, avec des influences de Michael Jackson par moments (même si le Moonwalk c'est pas ça). C'est un vrai show à l'américaine, chaque titre est un tableau composé, chaque passage est chorégraphié, il y a pratiquement un costume différent à chaque titre, les quatre danseuses posent le rythme et Janelle chante très bien. Les musiciens sont des pointures de studio à n'en pas douter. Rien qu'à voir la mama qui tient la basse, on sait que le tempo ne sèchera pas la classe.
Contrairement à Weezer, malgré ce manque de spontanéité, ça fonctionne et je tape du pied tout le temps. Cependant, je ne suis pas sûr d'apprécier sur disque.
Bring Me The Horizon font de la soupe. Le groupe joue les méchants (le chanteur en fait des caisses sur le tatouage et les transformations physiques) mais c'est à chier, c'est de la variété pour ados américains blancs, du sous-Linkin Park (que je hais). Seul truc cool : le t-shirt Björk du chanteur.
J'avais déjà vu The Cure, une seule fois, en 2000, à Strasbourg, sur la tournée de leur album Bloodflowders. Trois heures de concert et une scène que Robert Smith ne voulait plus quitter. Ceux qui ont déjà écouté leurs albums live ou les ont déjà vus savent que le groupe ne déçoit jamais (j'ai regardé le concert de Show, enregistré sur Arte à l'époque, plus que de raison). Le gros Robert venant de passer les 60 ans, j'avais tout de même une petite appréhension, mais cela a été balayé dès le premier morceau. Et au bout de quatre titres, mêmes les peu familiers du groupe ne pouvaient que constater que ça envoyait, y compris sur une chanson aussi mélancolique que Last Dance. Et tout ça sans décor ni effets (pas de logo ou affiche immense, pas de danseurs, pas de flammes...), juste une bande de vieux : Jason Cooper à la batterie, Roger O'Donnell aux claviers, Simon Gallup à la basse et - je ne l'avais pas reconnu - Reeves Gabrels à la guitare. Le même qui officiait chez Bowie dans les années 90, féru de sons électroniques et de solos techniques. Autant vous dire que tout ça est bien solide. Un nouvel album devrait sortir en octobre et les Cure fêtent cette année leurs quarante ans de carrière : ils viennent de rentrer au Rock N Roll Hall of Fame.
Ce qui est bien mérité tant le groupe a influencé la musique au fil du temps. Robert Smith, définitivement une icône du rock, reste la seule voix de Cure depuis leurs débuts. A soixante ans, elle n'a pas changé, elle a le même timbre clair, elle ne chevrote pas ni ne s'emmêle, et durant tout le concert, chaque son est immédiatement forgé dans leur identité. Les titres choisis semblent taillés pour les festivals : sorte de mélange entre leur Concert de 1984 et le Show de 1993, le concert débute avec Shake Dog Shake, poursuit sur plusieurs titres de Disintegration, implique des morceaux de The Top, The Head On The Door, Wish... On a même droit à Push, chanson que je n'avais jamais entendue en live et qui sonne merveilleusement. Aucune chanson réellement sombre ou désespérée n'est jouée.
Qui a dit que The Cure était déprimant ? Tout le monde a le sourire, à commencer par Robert, multipliant les signes d'affection aux autres membres du groupe.
Nous avons beau être aux premières loges, nous avons faim et soif. Nous quittons le concert au bout d'une heure environ, sachant pertinemment que le groupe jouera deux heures et quart.
On en profite pour aller du côté de The Barn. Kylie est toujours une bombe atomique. Malheureusement la salle est pleine à craquer, les portes d'accès sont fermées, nous ne pourrons que la voir sur l'écran géant disposé dehors. Nous assistons aux trois premiers titres, parfaitement exécutés, où un danseur grimé en Klaus Nomi confirme le statut d'icône gay de l'australienne et où Kylie change de tenue, plus ou moins provocante, à chaque morceau. A priori, la joie domine et le son doit être assez bon pour faire danser tout le monde.
On retourne voir The Cure. C'est le rappel, composé uniquement de titres très pop, ou, comme dit Robert, comme la pop existait avant. Uniquement des tubes : Friday I'm In Love, Lullaby, Close To Me. Le public chante. Et ça se termine sur Boys Don't Cry. A aucun moment le groupe ne sonne faux, ne semble réuni pour de mauvaises raisons.
Il reste trois quarts d'heure avant la venue qui complète celle de The Cure, et nous nous dirigeons immédiatement vers l'entrée de la scène : afin d'éviter les piétinements, les scènes sont en effet découpées en zones facilement clôturables. Nous savons d'instinct qu'à l'opposé de la bande à Robert, le groupe Tool ne sera pas projeté sur les écrans géants, d'où la nécessité de s'approcher au plus près, et d'attendre... J'avais passé la semaine à réviser, puisque Maynard et sa bande n'ont plus rien fait depuis 2006. Cela me permit de me rendre compte que finalement, 10,000 Days n'est pas si mal, que le EP Opiate ne rend pas hommage à un groupe en maturation, et que Undertow a de très bons moments.
Voir Tool en concert reste une expérience ésotérique fascinante. Comme pour mes deux premières fois, celle-ci fut bouleversante. Groupe unique en son genre, soudé comme jamais, s'amusant avec les tempos et les signatures rythmiques, le metal progressif de Tool se pare d'images perturbantes et psychédéliques. Une étoile à sept branches trône au-dessus du groupe tandis que les vidéos ne s'arrêtent jamais. Le concert aura tout de même deux points noirs : la voix de Maynard n'est pas assez mise en avant, et les vidéos, contrairement aux concerts de 2002 et 2003 auxquels j'avais assisté, ne suivent pas la musique à la note près. De manière générale, elles ne sont que des illustrations, souvent sans grand intérêt visuel ni originalité.
Pour le reste, c'est comme il y a quinze ans : hypnotique, rageur, déstabilisant, le groupe possède une classe qui l'éloigne de toute autre formation, et ce malgré le t-shirt TITTIES N BEERS (Frank Zappa) de Danny Carey, le batteur monstrueux. Les seuls qui peuvent rivaliser doivent sans doute être Radiohead.
J'ai hâte que le nouveau disque sorte (fin août), mais les nouveaux morceaux joués ce soir-là furent assez éprouvants, longs et impossibles à appréhender. Ce qui est sûr, c'est que les quatre membres, chacun dans son coin, étaient heureux de les jouer. Justin Chancellor ondule pendant tout le concert (1h30), Adam Jones le guitariste perfectionniste ressemble à un scientifique et Maynard James Keenan joue au punk avec sa crête.
The Cure, Tool, la combinaison parfaite qui rassemble les anciens hardos avec les corbeaux : deux groupes stratosphériques d'atmosphères.
3 commentaires:
https://www.youtube.com/watch?v=A-E7MhRG7iQ
C'est le premier commentaire de ce genre que fais! Très bonne chronique je n'avais vraiment pas besoin d'y être du coup. Mais tu as publié de dire si les frites étaient signe des belges
Merci Unknown ! Les frites étaient belges mais pas aussi grosses que dans le centre de Bruxelles... mais bonnes tout de même :)
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