mercredi 24 juillet 2013

Innuendo



Je me souviens bien de la scène. C'est l'année du bac, j'ai dix-sept ans, je suis chez mon pote, sans doute un samedi après-midi, on glande. On mate la télé, et on tombe sur le clip de Innuendo, la chanson titre. Mon pote lance la conversation.

- Putain Queen... j'ai jamais aimé.
- Moi j'aime bien. Ca me rappelle Bohemian Rhapsody.
- Ouais bon pour un gars qui écoute Genesis ça m'étonne même pas.
- Franchement je trouve que c'est mieux que le dernier truc que j'ai écouté d'eux. Pis le clip est sympa, j'aime bien.
- Ah non j'aime pas.
- Pourquoi ? Tu trouves pas ça cool les marionnettes ?
- Bof. Plus j'y pense, plus je crois que pour les clips, y a pas mieux que le groupe qui joue.
- Ah ah, voilà bien une remarque d'ancien hardos...

J'avais pris de la bouteille, je n'étais pas encore à découvrir les nouveautés rock du moment mais j'avais découvert des tonnes de dinosaures essentiels, j'étais fan des Stooges, des Doors et de Led Zep, Queen n'était qu'un souvenir, y compris The Miracle qui n'avait que deux ans pourtant. Mais à ce moment-là, c'est long, très long, entre quinze et dix-sept. J'avais quand même décidé de l'écouter, et j'avais bien aimé. Mais il ne pouvait absolument pas m'intéresser.

Redécouvert aujourd'hui, il a toujours de nombreux défauts, à commencer par le son, qui est toujours daté, qui a toujours des synthés horribles (cet intro du Show must go on, j'y suis allergique), et un ou deux titres incongrus qui gâchent le tout (surtout Delilah). Par contre, l'âge a sans doute quelque chose à y voir, je comprends surtout que c'est la fin, que les clowns ne rigolent plus, et que la solidarité compte ici avant tout. Avoir accompagné Queen jusque là, c'est saisir la force qui lie ces types, c'est comprendre leur résignation et leur tristesse qu'ils avaient toujours cachée jusque là.

Ma fille a 9 ans et écoute de la daube, mais n'est-ce pas une nécessité à son âge ? Comme il est presque impossible de pleurer en écoutant Show Must Go On ou I'm going slightly mad adolescent, et de frissonner et chialer en écoutant des mêmes titres à 40 ans ? 

Dernier vrai album de Queen, c'est le retour de la pochette dessinée, la fin du groupe star, une sorte de mélange entre leurs compositions des années 70 et leur son des années 80. C'est une réussite mais elle est amère, trop émouvante, trop attendue et inéluctable. Innuendo porte intégralement une intensité propre aux disques faits dans des conditions compliquées, ceux qui laissent transparaître toute les terreurs de leurs auteurs.




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