mercredi 24 juillet 2013

Queen, le bilan


Je crois que c'est lors de ma seconde première année de fac que je décidai de me remettre à Queen. A cette époque bénie, j'avais perdu de vue mes amis - qui eux, avaient réussi leurs exams - et je dus ainsi m'en trouver d'autres, au moins pour la journée et les cours. C'était une période de libération, où je n'avais plus l'angoisse de la ville - qui n'est jamais accueillante pour les grands adolescents loin de chez eux - et où je rencontrai des tonnes de gens. Une période où je passais mon temps dans des appartements loués par des connaissances de connaissances, à des soirées auxquelles je n'avais jamais été convié mais où j'étais toujours accepté car j'arrivai avec untel.

Je faisais une nouvelle fois partie des derniers combattants de la soirée. Il devait être neuf heures du matin et j'avais très envie de me rentrer. Mais mon hôtesse ne voulait pas me voir partir. Pas que quoi ce soit se fut passé entre nous, simplement que j'étais le dernier rempart entre elle et le gros lourd qui la harcelait et ne voulait pas quitter la place. Tout ce qu'elle trouva à me dire fût "Mais non reste, je te remets la chanson que tu aimes bien, celle qui fait Mamma mia !". Elle remit le Greatest Hits I de Queen. 

J'avais oublié que cette chanson s'appelait Bohemian Rhapsody et que je l'aimais vraiment. J'avais oublié Queen, mais on avait beaucoup écouté le disque lors de la soirée, on avait bien ri. Comme je suis trop gentil, je restai jusqu'à dix heures du matin, avec un café, la tête près du poste, attendant ma libération.

N'ayant pas un budget conséquent, et ne pouvant pas non plus passer outre l'actualité musicale noisy du moment qui m'excitait bien plus que des disques des années 70, je m'offrai quand même rapidement A Night At The Opera et News Of The World. Je m'étais renseigné, c'étaient les disques à posséder. Je les écoutai beaucoup, mais entre le nouveau Frank Black, les Pavement, les My Bloody Valentine et Maceo Parker, je n'avais pas le temps nécessaire pour me consacrer à une discographie complète. Et puis je savais que je n'avais ni besoin de The Miracle ni de Radio Gaga.

Maintenant que j'ai tout écouté, y compris leurs deux doubles live (celui de 79 et celui de 86 à Wembley), je vois les choses différemment. Surtout car depuis, j'ai écouté encore plus de choses, ai compris bien des problèmes, ai changé. Queen est un grand groupe, qui porte bien haut le flambeau des groupes anglais qui comptent, malgré leur image, la haine qu'ils inspirent aux élites du bon goût, leurs millions de fans, leur prise de position homosexuelle. Je n'ai eu aucunement besoin de visionner des concerts ou de lire des articles (à l'exception d'une chronique sur leur site et de quelques-unes sur allmusic.com) pour comprendre combien ces types ont toujours fait ce qu'ils ont voulu. Que leurs concerts-spectacles ont plus de sens que chez leurs homologues qui étaient devenus trop gros : un concert des Stones ou de Led Zeppelin, ça doit se voir dans une salle de mille personnes.

Ils ont compris que le spectacle faisait partie intégrante de leur musique, que cette dimension ne pouvait pas être occultée. Leur reprocher leur démesure, c'est nier leur musique. Leur reprocher leur humour, alors que c'est une des caractéristiques de Frank Zappa qui plaît tant aux critiques de rock, c'est de la mauvaise foi. Queen n'a rien à envier aux monstres sacrés (Led Zep, The Beatles, The Who, The Rolling Stones), mais ils s'en foutent. Rien que pour ça, je les admire. Pour ça, mais aussi pour leur éclectisme, leurs fautes de goût assumées, leur désir de ne jamais rester sur place tout en étant unis du début jusqu'à la fin, sans scission, sans un ego bouffant l'autre. Et pourtant, entre Freddy Mercury et Brian May, il y avait de quoi remplir des pages de tabloïds. Mais non, ils ont juste continué à faire ce qui leur plaisait, à commencer par rester ensemble.

Je retiendrai quatre disques, dont trois indispensables à mes yeux : Sheer Heart Attack, A Night At The Opera, News Of The World et Jazz. On peut ajouter Innuendo pour sa tension et son témoignage, et beaucoup de titres des années 80 qui sont finalement très bien. Tous leurs albums en comportent au moins un ou deux, au minimum.

Mais ne cherchez pas trop Queen chez Muse. Ils ont inspiré bien plus de monde que cette pâle copie de concerts gigantesques, et ont même été repris par Nine Inch Nails. Trent Reznor, le mètre-étalon de l'Indus, étire les riffs de Get Down Make Love sur des samples de filles jouissant et conclut sur les deux accords de We Will Rock You : je ne vois pas meilleure conclusion pour saluer ce groupe.

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