mercredi 8 octobre 2008

Concert complet au Sin-é


J'aime les plaisirs simples. Je m'émerveille toujours devant l'anodin, le retour du printemps, les rires d'enfants, les magnétoscopes qui fonctionnent correctement. Je cultive le goût du moment, de l'instantané, j'ai une partie de ma bibliothèque mentale uniquement consacrée à ces instants bénis de mon existence qui intègrent deux critères drastiques : ne pas dépasser les trois secondes et définir un sentiment profond.

Par exemple, il m'arrive plus ou moins régulièrement de rencontrer des gens. Je parle d'inconnus, de têtes jamais vues. Parfois nos chemins ne se croisent que le temps d'un Gare de l'Est - Strasbourg Saint Denis, parfois il s'agit de futurs compagnons de longue durée. Une aura semble s'installer juste avant de commencer à lire le langage de leur corps, avant de parler. Il peut advenir n'importe quoi. La plupart du temps, les instants qui suivent plombent l'ambiance, les promesses du destin déçoivent. Mais parfois, c'est le contraire, la complicité ou la surprise s'installe, hourra, la journée n'aura pas été vaine.

Qu'ont donc pensé ces buveurs de café en voyant débouler Buckley, qui n'avait encore rien sorti à cette époque ? Ce petit ténébreux à la moue travaillée et au regard nonchalant. Allait-il gémir de la folk, aligner des recettes pop ? Pas du tout. En deux heures, le bonhomme reprend Led Zeppelin et Calling You (mais si, le tube inchantable tiré du film Bagdad Café que personne n'a vu), parodie les Doors, lance des vannes, s'amuse les doigts, cherche des notes, parle aux dieux sur tous les tons : gospel, jazz, arpèges, blues crades. Il tenait toutes ses promesses. Y compris celle d'aller trop vite.

J'espère que ces veinards ont bien enregistré tout ça dans leur bibliothèque mentale.


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