lundi 23 juin 2014

Faune siffleur, es-tu le destructeur ?


Ils ont toujours existé, mais j'ai l'impression qu'ils sont de plus en plus nombreux : les artistes multi-instrumentistes seuls maîtres à bord et auto-producteurs ont pas mal percé dans les années 2000. Avant, il y avait Elliott Smith, Prince, Beck, même Stevie Wonder. Et puis sont arrivés les Conor Oberst (plus connu avec son groupe Bright Eyes), Andrew Bird, Sufjan Stevens et Kevin Barnes de Of Montreal. Il doit y en avoir moult autres.

Notez bien que ce n'est pas un groupe canadien, mais de Athens en Géorgie, berceau des romantiques R.E.M. Tout comme ses collègues cités plus haut (jetez donc une oreille à Illinoise de Sufjan Stevens, c'est un excellent disque), Of Montreal partage cette pop alambiquée et musicalement riche, que ce soit en nombre d'instruments ou en arrangements, cherchant sans cesse à ajouter des couches partout, à rallonger les titres des chansons (exemple : le premier single s'appelle "Heimdalsgate Like a Promethean Curse", mais son refrain qui enchaîne le même mot 'chemicals' est plus facile à retenir ; oui, cela parle de médicaments), à enchaîner les morceaux sans bouffée d'air possible.

Et pas seulement les titres, mais également les albums. Hissing Fauna, are you the destroyer ? est le huitième album de Of Montreal, et il date de 2007. Depuis, ils en ont sorti cinq autres ainsi qu'un recueil de premiers titres. Pour illustrer cette foisonnante activité, les pochettes et les présentations des disques suivent le mouvement : dessins baroques surchargés de détails, colorés, rappelant les hippies, le psychédélisme des années 60, le rococo. Bref, ça déborde à tous les niveaux.

Il faut donc un certain temps pour s'habituer à cet univers chamarré, mais Hissing Fauna fait un peu exception : l'album est plutôt sombre malgré ses refrains endiablés et son rythme trépidant que rien n'arrête (quasi impossible de couper le disque une fois lancé, tout s'enchaîne trop vite), arrivant dans une période de dépression de Kevin Barnes, sa pochette est surtout noire, et le titre pivot de onze minutes rappelle Kraftwerk, de l'electro martiale et répétitive. Malgré tout, la voix ne peut pas se transformer à ce point, et la chaleur et la détresse qui en suintent n'ont jamais la noirceur de la cold-wave. La suite ressemble par moments à du Prince. J'adorerai mettre certains passages pour faire danser les foules.

Comme toujours lorsque je me sens blasé de tout, un objet unique apparaît, et même s'il appartient à un monde nouveau et déjà fourni qui m'est totalement inconnu, il ouvre des perspectives, comble des creux, ose les influences passées sans honte. Le rock est vieux et je me dis presque quotidiennement qu'il est mort, mais il renaît trop souvent pour qu'il ne continue pas malgré tout. Peu importe sa simplicité, il peut se métisser à l'envi. Il mute, il évolue, comme toute forme de vie.




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