Thèse : thème
Avec l'âge, l'excitation de la découverte s'effiloche, plus souvent remplacée par la déception que par l'euphorie. Les années rendent méfiant, les coups du sort - plus ou moins facilement essuyés - forcent à la prudence. On ne croit plus forcément que la passion de notre moitié soit la même, que la promotion promise ne va plus tarder, que le groupe du mois envoie sévère. Si, par malheur, une arnaque supplémentaire apparaît, les foudres s'abattent. Plus virulentes chaque fois. La colère devient un moteur. On me la fait pas, à moi. Doucement mais sûrement, je me transforme en vieux con.
Alors je pioche dans le passé, ces classiques que je ne connais pas mais dont on entend constamment parler, des références. C'est bien, mais ça n'aide pas à s'ôter cette idée de la tête : c'était mieux avant - autrement dit, je suis vraiment un vieux con. Parfois la lassitude guette. A chasser le frisson, on s'expose au froid, puis au vide. Et donc doucement mais sûrement à l'aigreur. Pourquoi se miner, de toute façon, je ne trouverai jamais mieux que mes Pixies. Seuls la fierté - toujours mauvaise, en porte à faux avec l'humilité et la réalité - et la nécessité d'une dose de came me poussent à battre le pavé. Tendu vers un seul but : retrouver ce sentiment d'esclavage volontaire, cette sensation délicieuse d'avoir trouvé le bon disque, qui va tourner, et tourner, matin, midi, soir, deux trois quatre fois d'affilée, et s'user, avant de disparaître progressivement, laissant place à l'abandon ; encore ce satané vide.
Une analyse ne serait pas superflue, puisqu'il m'est impossible de comprendre ce besoin perpétuel. Tout comme la musique elle-même m'est incompréhensible. Je ne connais que ses effets. Prenez ce Modest Mouse, par exemple. A la première écoute, c'est un disque de son temps, rien d'original, guitare, basse, batterie, chant, des cuivres, des banjos. De la pop agréable, naviguant sur la Tamise ou le Mississippi. Je pourrais citer des noms qui rappellent tel ou tel titre. Mais quel intérêt ? Il me touche, il me parle, il m'écoute. Voilà. Par quel mystère celui-là et pas un autre, adulé par d'autres ?
De toute façon, j'ai ma drogue, le reste compte peu. En ce moment, c'est celui-là, c'est tout. Je vais pas le lâcher de suite. Il me donne l'euphorie, il me susurre "Je suis neuf, tu n'es pas vieux". Comment l'être alors que l'ado attardé sourit à chaque seconde de cet album de bonnes nouvelles pour mélancoliques, qui savent que même l'excitation de la découverte s'effiloche.
Antithèse : version
C'est la rentrée. Vous avez rangé les sacs d'école, rempli le frigo, invité les amis pour la première raclette, c'est l'heure de l'apéro près de la cheminée. Pour pouvoir tranquillement discourir et raconter ses vacances, Good News For People Who Love Bad News s'installe en bande-son feutrée. Lorsque soudainement, les cordes à peine grattées annonçant la voix de canard honteux de Isaac Brock somment tout le monde de jeter un oeil sur la pluie qui bat doucement au dehors. Quelqu’un dit OGM. C’est quoi déjà ? La nuit tombe, personne ne s’en aperçoit, une nostalgie inconnue s’empare de toute la bande, à la fois sereine et diffuse, sèche et pourtant fluide, tiède, duveteuse.
Une pause clope s’impose. Ca tombe bien, ces cuivres qui déboulent en introduction de The Devil's Workday. Mais bon, l’heure est à la contemplation, c’est reparti pour une chorale neurasthénique, sortie d’une église grise, le psychédélisme suinte, en moins de temps que l’idée ait germée, vous vous retrouvez à fixer une miette de pain. Aucune importance, tout le monde en est là.
D’où provient ce poids terrible, qu’arrive-t-il à mes fonctions motrices ? Comment Tom Waits a-t-il perdu le rythme, annihilé par la contrebasse, insidieusement enfouie, rebondissant sur la voix plutôt que le contraire ?
Le disque est fini depuis longtemps. Pourtant il résonne encore. Il encercle la table, il endort les sentiments, il a pris le pouvoir, il mélange l'Anglais, la Nouvelle Orléans, la folk, la pop, le live, le studio. Sans aucun heurt.
Au retour des beaux jours, Good News For People Who Love Bad News re-tourne sur une platine quelconque. Révélation : Modest Mouse font revenir l’automne. Ils l’ont capturé.
Synthèse : thé vert
Ils l'ont capturé, le vieux con.
Avec l'âge, l'excitation de la découverte s'effiloche, plus souvent remplacée par la déception que par l'euphorie. Les années rendent méfiant, les coups du sort - plus ou moins facilement essuyés - forcent à la prudence. On ne croit plus forcément que la passion de notre moitié soit la même, que la promotion promise ne va plus tarder, que le groupe du mois envoie sévère. Si, par malheur, une arnaque supplémentaire apparaît, les foudres s'abattent. Plus virulentes chaque fois. La colère devient un moteur. On me la fait pas, à moi. Doucement mais sûrement, je me transforme en vieux con.
Alors je pioche dans le passé, ces classiques que je ne connais pas mais dont on entend constamment parler, des références. C'est bien, mais ça n'aide pas à s'ôter cette idée de la tête : c'était mieux avant - autrement dit, je suis vraiment un vieux con. Parfois la lassitude guette. A chasser le frisson, on s'expose au froid, puis au vide. Et donc doucement mais sûrement à l'aigreur. Pourquoi se miner, de toute façon, je ne trouverai jamais mieux que mes Pixies. Seuls la fierté - toujours mauvaise, en porte à faux avec l'humilité et la réalité - et la nécessité d'une dose de came me poussent à battre le pavé. Tendu vers un seul but : retrouver ce sentiment d'esclavage volontaire, cette sensation délicieuse d'avoir trouvé le bon disque, qui va tourner, et tourner, matin, midi, soir, deux trois quatre fois d'affilée, et s'user, avant de disparaître progressivement, laissant place à l'abandon ; encore ce satané vide.
Une analyse ne serait pas superflue, puisqu'il m'est impossible de comprendre ce besoin perpétuel. Tout comme la musique elle-même m'est incompréhensible. Je ne connais que ses effets. Prenez ce Modest Mouse, par exemple. A la première écoute, c'est un disque de son temps, rien d'original, guitare, basse, batterie, chant, des cuivres, des banjos. De la pop agréable, naviguant sur la Tamise ou le Mississippi. Je pourrais citer des noms qui rappellent tel ou tel titre. Mais quel intérêt ? Il me touche, il me parle, il m'écoute. Voilà. Par quel mystère celui-là et pas un autre, adulé par d'autres ?
De toute façon, j'ai ma drogue, le reste compte peu. En ce moment, c'est celui-là, c'est tout. Je vais pas le lâcher de suite. Il me donne l'euphorie, il me susurre "Je suis neuf, tu n'es pas vieux". Comment l'être alors que l'ado attardé sourit à chaque seconde de cet album de bonnes nouvelles pour mélancoliques, qui savent que même l'excitation de la découverte s'effiloche.
Antithèse : version
C'est la rentrée. Vous avez rangé les sacs d'école, rempli le frigo, invité les amis pour la première raclette, c'est l'heure de l'apéro près de la cheminée. Pour pouvoir tranquillement discourir et raconter ses vacances, Good News For People Who Love Bad News s'installe en bande-son feutrée. Lorsque soudainement, les cordes à peine grattées annonçant la voix de canard honteux de Isaac Brock somment tout le monde de jeter un oeil sur la pluie qui bat doucement au dehors. Quelqu’un dit OGM. C’est quoi déjà ? La nuit tombe, personne ne s’en aperçoit, une nostalgie inconnue s’empare de toute la bande, à la fois sereine et diffuse, sèche et pourtant fluide, tiède, duveteuse.
Une pause clope s’impose. Ca tombe bien, ces cuivres qui déboulent en introduction de The Devil's Workday. Mais bon, l’heure est à la contemplation, c’est reparti pour une chorale neurasthénique, sortie d’une église grise, le psychédélisme suinte, en moins de temps que l’idée ait germée, vous vous retrouvez à fixer une miette de pain. Aucune importance, tout le monde en est là.
D’où provient ce poids terrible, qu’arrive-t-il à mes fonctions motrices ? Comment Tom Waits a-t-il perdu le rythme, annihilé par la contrebasse, insidieusement enfouie, rebondissant sur la voix plutôt que le contraire ?
Le disque est fini depuis longtemps. Pourtant il résonne encore. Il encercle la table, il endort les sentiments, il a pris le pouvoir, il mélange l'Anglais, la Nouvelle Orléans, la folk, la pop, le live, le studio. Sans aucun heurt.
Au retour des beaux jours, Good News For People Who Love Bad News re-tourne sur une platine quelconque. Révélation : Modest Mouse font revenir l’automne. Ils l’ont capturé.
Synthèse : thé vert
Ils l'ont capturé, le vieux con.
2 commentaires:
ben celle là elle est carrément classe. c'est tout.
Ca, ca me touche vraiment. Merci, Tibou.
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