My Bloody Valentine a toujours eu une place spéciale, décalée, y compris dans ma discothèque. De ce groupe, je n'ai longtemps eu que Loveless, qui ne ressemble qu'à lui-même. Présenté comme le fer de lance du mouvement shoegaze, il n'a pourtant rien à voir avec Ride, Slowdive ou même Lush. Loveless a dès le départ marqué sa différence, et celle-ci n'a jamais disparu. Je ne me suis rendu compte de sa valeur qu'au bout de nombreuses années, me rendant compte que je revenais toujours vers lui à un moment ou à un autre, et, de très bon disque, il s'est élevé au rang de classique, a grimpé dans mon top personnel lentement mais sans jamais chuter. Il était clair, au bout d'une dizaine d'années, que rien ne remplacerait Loveless. Et que, par conséquent, j'ai énormément de mal à vouloir en parler.
Un disque ne reste jamais impersonnel au bout de tant d'années. Il devient un ami cher, indispensable, et ne peut être jugé ou soupesé. Entre temps je m'étais procuré leur Isn't Anyhting et leurs adorables EPs (You Made Me Realise me semblant être un album à part entière malgré ses cinq titres) mais aucun n'a la patine unique de Loveless.
Kevin Shields, la tête pensante, le mérou sonique de My Bloody Valentine, a fait mieux que Television : alors que ces derniers avaient mis quinze ans entre leur second et leur troisième album, les deux rois et les deux reines du shoegaze en ont mis vingt-deux. Vingt-deux ans... Autant dire une génération. Qu'est-ce qui peut justifier une telle attente ? Et surtout, qu'en attendre ? Alors que Loveless regroupait tous les superlatifs et tous les extrêmes, que pouvaient faire vingt-deux ans à un groupe (à part des rides et des kilos en trop) ?
Et M B V fut. Auto-produit, vendu directement en ligne et créant un buzz de tous les diables sur le net, il partait pour être le nouveau Graal des années 2010, qu'avait donc enfanté Kevin Shields cette fois-ci (vingt-deux ans de gestation quand même) ? Et bien rien de nouveau. En tout cas à la première écoute, rien de bien nouveau, une sorte de suite à Loveless, le même son éthéré, les mêmes voix, le même genre de mélodies, les mêmes couches de guitares sur couches de guitares... Malgré tout, ça fait un bien fou. Soit parce que 2013 a perdu vingt ans (et nous avec) soit parce que tout ce qu'on avait pu entendre de nouveau n'arrivait toujours pas à faire oublier Loveless.
My Bloody Valentine le retour confirme ce que tout le monde soupçonnait : ils sont uniques. Malgré nos heures à offrir nos oreilles aux nouveaux drones que sont Fuck Buttons et SunnO))), à tenter du compliqué obscur (je viens de me mettre sérieusement à Scott Walker, c'est du lourd, c'est innovant, c'est expérimental, ça vaut le coup d'être tenté pour pouvoir ré-accrocher le badge donné à la sortie des projections de Eraserhead - "I saw it" - c'est un peu un rite. Mais ne me demandez pas si j'aime ou pas, j'ai pas encore décidé.), à retrouver du rock à papa, finalement, on attendait juste un nouveau MBV. Qui ne ressemble pas autant à Loveless que ça à la troisième écoute, qui a de nouvelles mélodies bien jolies et pas inutiles. Qui d'ailleurs a décidé de partir un peu loin dans ses trois derniers titres, où il s'écorche plus vite, il a lui aussi écouté SunnO))), il a enfin enregistré des perceuses, foreuses de tête. Après une écoute interrompue de trois jours, les mélodies répétitives aux martèlements soutenus sont toujours présentes et impossibles à chasser, surtout au réveil. Un cauchemar. Strike, les amis.
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