Qui dit rock dit rébellion, jeunesse, colère, changement (ou du moins sa recherche). Mais ça, c'était dans les années 60, voire 70 avec le punk, depuis, c'est plutôt désillusion et désenchantement. Il a fallu atteindre le rap (le vrai) pour que cette rébellion ait du sens à nouveau.
C'était bien sûr sans compter sur les grands distributeurs, producteurs, propriétaires, qui ont directement senti la bonne affaire. Depuis Elvis the pelvis, c'est comme ça : soyez aussi glamour, proposez une image. De préférence rebelle. Qui effraie le bourgeois (The Rolling Stones) ou pas (The Beatles). Que les jeunes puissent rêver, s'identifier, acheter des disques. Rêver de groupies hystériques, d'orgies interminables, de communier dans un stade. Jagger, Richards, Lennon, McCartney sont devenus des prêtres d'un genre nouveau, dignes de l'empire romain. Lennon avait raison, les Beatles étaient plus populaires que le Christ. Charlie Watts (batteur des Rolling Stones de son état) aussi avait raison : autant la musique est super, autant le cirque engendré est agaçant.
Autre constante d'un groupe qui marche, il faut un manager. Une sorte d'entraîneur, de coach - pour parler comme en 2008 - qui cadrerait tout ce petit monde bien turbulent, qui en sort ce qu'il peut y avoir de meilleur et veille au grain, metteur en son et parent attentionné.
Malheureusement, on ne change pas une équipe qui gagne, et la recette perdure depuis. Exemple : Oasis.
Habituellement, je n'aime pas parler des groupes que je n'aime pas. Quel intérêt ? Certains aiment, soit, voilà, c'est une question de goût. On va dire. Alors, profitez-en, je vais déverser mon fiel et ma bile sur ce groupe qui a déclenché un raz-de-marée de disques mous, consensuels, sans intérêt (mais pas sans intérêts, ah ah. Pardon.), et qui sont portés aux pinacles par les rock-critics et les magazines anglais.
Dans mon souvenir, Oasis est le premier groupe estampillé indie / relève / nouvelle génération, (quoi que ces étiquettes puissent dire) créé de toutes pièces qui soit affiché comme un vrai groupe de rock, avec ses rebelles, ses guitares sans concession, son attitude faussement hautaine, ses fringues mod(e)s (on voit même un scooter dans le livret de leur premier album) et son accent à couper au couteau. Un vrai condensé de Sex Pistols (autre groupe monté de toutes pièces), The Who, The Jam, The Rolling Stones... un cliché ambulant en somme. 100 % british. Ce que les frasques du duo de frères caché sous cette appellation de Oasis confirment, plus occupés à plagier T-Rex (Cigarettes & Alcohol) et se payer des jets de télé par la fenêtre qu'à chercher un quelconque sens à leur musique : un amour du cirque rock, plutôt. Premier titre du premier album : (I'm a) Rock'n'roll Star. Si c'est pas donner le ton, ça.
Bref, je hais Oasis (bien qu'ils aient commis quelques titres corrects qui marchent très bien en soirées, mariages ou pas), ce qu'ils représentent, ce qu'ils sont : des poseurs, attirés par le clinquant, si stéréotypés qu'ils en deviennent honnêtes. Après tout, c'est tout bénef pour la maison d'édition. D'authentiques losers d'une typique cité anglaise industrielle en friche, fans de foot, des Beatles, des Stone Roses, de lager et de bastons du samedi soir, propulsés du jour au lendemain futur du rock. Tout le monde est content, même aux mariages de jeunes branchés.
Alors que j'adore ce premier album des Strokes, Is This It ? Ca partait mal. Ils étaient affublés de tout ce que Oasis portait : les tenues vestimentaires à la mode du moment (le leur), le line-up classique (un chanteur deux guitares une basse une batterie), un son daté mais pas rétro, plutôt dans l'air du temps, et une réputation unanime de futur du rock. Mouais mouais mouais. Et pourtant il ne m'a pas fallu plus de deux écoutes pour me rendre compte à quel point j'avais eu tort de me méfier. On en revient à cette étrange chimie qui fait que malgré les mêmes apparats, il peut sortir de la marmite soit de la bouse soit de l'ambroisie. Ou alors s'agit-il simplement des compositions elles-mêmes ? De l'inspiration ? De leur guru, dont le portrait de hippie fatigué côtoie ceux des jeunes hypes au milieu du livret intérieur ?
Peut-être est-ce dû à la colère, aussi. Celle de Is This It ? n'est pas évidente. Non, au premier abord, on serait plutôt en face de tristes gens de vingt ans mais qui aimeraient bien se lâcher. Qui se lamentent joyeusement, cherchant le point commun entre Bob Marley et les Who mais incapables de faire du reggae ou d'imposer un son de stade (on n'est pas chez Muse Queen). Qui reprennent en filigrane, dans le chant légèrement nonchalant de Julian Casablancas le ton du Iggy Pop au sein des Stooges, le premier punk : négatif et énervé. Qui sonnent comme une répète enregistrée plutôt qu'un produit de studio bien arrondi, un groupe sans effets, sans chorus ni reverb.
Avec la fin de 2010, nombreux sont ceux qui ont fait un bilan de cette première décennie. A chaque fois ou presque, Is This It ? était bien placé. Tout le monde peut sentir la fulgurance de ses onze titres qui allient modernisme, un son immédiatement reconnaissable, des mélodies évidentes mais inédites. Ce dernier adjectif est peut-être celui qui les sépare de Oasis. Ou alors c'est trop subjectif, il s'agit d'honnêteté. D'intégrité, même en pactisant avec les marionnettistes. L'image est bien le plus difficile à gérer. Vive la musique qui s'en affranchit.
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